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que des règlemens restrictifs, prohibitifs, entravant les échanges et étouffant dans leur germe les élémens de prospérité que renfermaient ces belles contrées. En 1785, le commerce fut livré à une compagnie privilégiée. C’était un progrès, car au moins cette compagnie jouissait de certaines facilités qui jusqu’alors avaient été jugées incompatibles avec les pures doctrines du régime colonial. Le privilège de la compagnie expira en 1834, et ne fut pas renouvelé. C’était encore un progrès. Quelques négocians étrangers avaient obtenu en 1814 la faculté de s’établir à Manille, et cette première dérogation aux vieilles pratiques avait porté ses fruits. L’Europe commençait alors à nouer des relations plus suivies avec l’extrême Orient ; les colonies anglaises et hollandaises devenaient florissantes. Le marché de la Chine attirait l’attention des négocians. Manille ressentit le contre-coup de cette activité commerciale. En 1855 seulement, le gouvernement espagnol jugea que le moment était venu d’accorder plus de latitude au commerce étranger, et il ouvrit trois nouveaux ports : Sual dans l’île Luçon, Iloïlo dans l’île Panay, et Zamboanga dans l’île Mindanao. Ainsi jusqu’en 1855 les échanges de tout l’archipel avec l’étranger étaient exclusivement concentrés à Manille. Il fallait que les produits des différentes îles fussent apportés à grands frais dans ce port avant d’être expédiés vers l’Europe, et de même les marchandises européennes ne pouvaient être débarquées que dans les entrepôts de la capitale. Voilà ce que l’on appelait au bon temps la saine pratique du système colonial ! Qu’est-il arrivé ? C’est qu’à chaque relâchement des vieux liens, à chaque mesure relativement libérale, correspond un progrès intérieur, un accroissement de prospérité et d’échanges. L’Espagne n’est point le seul pays du monde qui ait à profiter de cet enseignement. L’expérience a démontré que les colonies ne se développent qu’à la condition d’envoyer leurs produits sur tous les marchés, et que les colonies les plus avantageuses pour leurs métropoles sont précisément celles qui jouissent de la plus grande liberté commerciale. L’Angleterre et la Hollande ont successivement essayé, dans leurs colonies de l’Asie, du régime de la prohibition absolue et de l’expédient des compagnies à privilèges : elles y ont renoncé, et elles font rapidement disparaître, dans l’Inde et à Java, les vestiges de l’ancienne législation. L’Espagne semble vouloir entrer dans la même voie. Elle y est encouragée par le succès des réformes qu’elle a, dans ces derniers temps, accomplies aux Philippines. Un commerce de 80 millions de francs environ est évidemment au-dessous de ce que l’on doit attendre d’une colonie aussi vaste et aussi peuplée.

Le budget des recettes aux Philippines s’élève à près de 60 millions de francs, provenant des monopoles, en tête desquels figure le tabac, de l’impôt direct que paient, sous forme de capitation, les