Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/942

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien qu’elles se soient fondues en grande partie dans la masse protestante du pays, elles constituent encore aujourd’hui l’un des élémens notables du protestantisme hollandais. Leur peu d’importance numérique est compensé par le rang d’une grande partie de leurs membres et par leur langue, qui en fait une sorte de canal officieux entre la réforme nationale et celle du dehors. Illustrées par le ministère de plusieurs prédicateurs exilés, Claude, Dubosc, Jurieu, les deux Basnage, D. Martin, Jacquelot, surtout J. Saurin, pouvant réclamer à divers titres Bayle, Chaufepié, Beausobre, Leclerc, elles comptent encore parmi leurs pasteurs des descendans de réfugiés.

Tant de sectes opposées, bien qu’amies, suggèrent des réflexions fort diverses chez l’ami et l’adversaire de la réforme. Tous savent que les principes du protestantisme ne lui ont jamais permis de réaliser cette unité et cette immutabilité de la doctrine qui font l’essence du catholicisme ; mais le jugement à porter sur le contraste que présentent à cet égard les deux grandes formes religieuses diffère profondément selon le point de vue où l’on se place. Tandis que les adversaires de la réforme considèrent ce qu’ils appellent ses interminables variations comme son péché d’origine et la marque éclatante d’une dissolution continue, ses amis, surtout les plus éclairés, prétendent que c’est là qu’elle trouve un ressort vital d’une incalculable puissance, et seraient tentés de voir dans l’immutabilité du dogme catholique la cause d’un abandon graduel, qui, pour être fort lent, n’en est pas moins certain. Qu’on me permette d’emprunter une comparaison à la politique. Je suppose que, sous un gouvernement absolu, en Russie par exemple, un certain nombre de sujets du tsar s’avisent de semer dans le pays les germes d’une grande agitation réformiste, fassent publiquement appel à l’opinion des masses par des meetings ou de puissantes associations, et prétendent peser de cette manière sur le souverain pour lui arracher des mesures auxquelles il répugne : non-seulement le souverain ne ferait qu’appliquer le droit le plus élémentaire de la monarchie absolue en réprimant sévèrement de pareils attentats contre son autorité, mais encore, si les agitateurs parvenaient à imposer leurs vœux à la volonté impériale, on aurait toute sorte de motifs de penser que l’anarchie serait près de dissoudre le système gouvernemental russe. Transportez au contraire la même agitation en Angleterre, et vous n’avez plus que le jeu régulier d’institutions nationales, la mise en exercice de droits reconnus, la condition, en un mot, du progrès et de la vie même de la nation. C’est ainsi que, selon le principe qui domine une constitution politique, les mêmes faits sont signes de vie ou symptômes de mort. C’est ainsi que, toute réserve