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dans la Bible est fort contestable. En somme, une certaine indifférence pour le dogme, indifférence que la philosophie du jour, la peur des schismes, l’ennuyeuse tournure qu’avaient prise les discussions antérieures, concouraient également à nourrir, s’autorisait du sentiment si cher au XVIIIe siècle qu’en religion la morale est l’essentiel, la seule chose nécessaire. On avait reporté sur la Bible seule l’attachement qui se partageait auparavant entre le livre saint et la confession de foi de l’église, et sans soupçonner encore les ravages que ferait un jour la critique, fille de la philologie, dans les idées traditionnelles sur l’origine et l’autorité du recueil sacré, on aimait à penser que la foi en la Bible, en tant que révélation surnaturelle, était un port assuré contre toutes les tempêtes du cœur et de l’esprit.

L’homme en qui s’incarna réellement cette tendance biblique par excellence fut van der Palm (1763-1838). Assurément, si le théologien devait n’être apprécié que d’après ses qualités aimables et l’influence de sa parole sur le grand public, nul ne mériterait une place supérieure à celle de cet excellent homme, dont la Hollande entière vénère encore la mémoire. Prédicateur d’une rare éloquence, écrivain élégant, orientaliste distingué, il contribua beaucoup à maintenir dans les classes éclairées de son pays ce respect profond de la Bible, particulier aux contrées protestantes, mais que la philosophie irréligieuse tendait à ébranler. Il composa une volumineuse Histoire sainte pour la jeunesse, aussi lucide que le titre l’exigeait, mais de nature à plaire à tous les âges, dans laquelle il commentait les récits bibliques en s’aidant de toutes les lumières que le temps pouvait lui fournir et que son extrême prudence lui permettait d’utiliser. Ce fut dans le même esprit qu’il publia en deux gros volumes in-quarto une nouvelle traduction de la Bible avec des notes explicatives. Sa tendance est celle d’un supernaturalisme modéré, conservateur, mais faisant çà et là de notables concessions aux idées modernes. Le calvinisme pur n’est guère sensible dans ses opinions religieuses. Un esprit de moralité saine et pratique, tout à fait conforme au caractère de son pays, les pénètre toujours ; mais il faut ajouter qu’aujourd’hui cette théologie douce et contente de peu ne satisfait plus le sentiment religieux et encore moins la science. Van der Palm, malgré ses éminentes qualités, manquait de sens historique et de goût critique. Tout en acceptant pieusement les miracles tels qu’ils sont racontés dans la Bible, il trouvait moyen d’émousser en quelque sorte les pointes les plus ardues par des explications ordinairement très arbitraires et quelquefois très plates. Par exemple l’entretien d’Eve avec le serpent tentateur dans l’Éden pourrait bien n’avoir été qu’une série de réflexions, un dialogue interne suggéré à la première femme par la vue d’un serpent qui mangeait, sans en