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sociaux et ecclésiastiques, au-dessus des pays dont il était entouré. La philosophie incrédule et railleuse du dernier siècle avait été reçue à coups de traités apologétiques, et repoussée moins encore peut-être par ces respectables in-quarto que par le sens sérieux du pays ; les conséquences politiques de la philosophie alors régnante, mieux accueillies pourtant que les principes mêmes de cette philosophie, n’avaient pas été de nature à ramener les esprits, surtout quand la Hollande se vit forcée de leur sacrifier momentanément son indépendance. Seule la philosophie de Kant parvint à s’introduire dans la place avec un certain succès, et encore ne fut-ce que par son côté positif et pratique. On y trouva une imposante confirmation de la thèse qu’en religion la morale était la seule chose essentielle, mais on ne songea guère à soumettre les dogmes traditionnels à la sévère méthode critique dont cette philosophie avait fait une application si radicale à la psychologie et à la métaphysique.

Cependant l’esprit humain, quand il est libre, ne peut pas rester indéfiniment stationnaire, et il était libre en Hollande. D’ailleurs nous faisons ici des tableaux d’ensemble que contrediraient de notables exceptions, et sous cette surface paisible qu’éclairait de ses douces lueurs l’astre aimable de van der Palm, plus d’un ferment s’agitait sans bruit. L’éloquent prédicateur vivait encore que déjà l’on pouvait pressentir la crise au développement de laquelle nous assistons aujourd’hui.


II

La tendance religieuse que nous avons personnifiée dans van der Palm ne pouvait triompher longtemps qu’à une condition, c’est qu’on ne touchât pas aux grands problèmes, et que de profonds besoins religieux ne se fissent pas jour. Or, quand l’Europe eut repris un peu de calme après les terribles commotions de la révolution française et de l’empire, on fut surpris d’entendre parler très haut bien des voix que l’on croyait éteintes, et qui n’étaient que dominées par le bruit des tempêtes. On sait qu’un esprit général de réaction succéda en Europe à l’engouement cruellement détrompé qu’avait excité le grand mouvement révolutionnaire. Les vieux rois, les vieilles lois, la vieille foi, tel fut le mot d’ordre qui rencontra dans le monde politique et religieux d’alors de nombreux et puissans échos. L’Europe, déchirée jusqu’aux entrailles par les guerres et les bouleversemens politiques, était redevenue très sérieuse. Le temps des bouquets à Chloris était passé, aussi bien en philosophie et en théologie qu’en littérature. La Hollande, qui avait moins souffert que bien d’autres pays, du moins quant à son état religieux, de