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l’esprit frivole du XVIIIe siècle, se ressentit aussi plus tard de la défiance universellement répandue contre tout ce qu’il avait engendré ; cette défiance pourtant, elle dut la partager à son tour. Le ferment méthodiste d’Angleterre s’y fraya un passage, que facilitèrent à la fois la tradition calviniste, encore très loin d’être absorbée par les idées du jour, et le sentiment national, qui avait trop de griefs contre certains résultats de la révolution pour aimer beaucoup ce qui semblait en porter les couleurs. La poésie, la politique et le réveil religieux concoururent à donner une puissance croissante à la réaction calviniste. Vers l’an 1823, on vit se former un groupe d’hommes éminens à plus d’un titre, dont le poète Bilderdyk forma le centre, et qui sommèrent avec une vigueur croissante leur pays de rompre avec l’indifférence dogmatique ; de revenir aux sources vivifiantes de la théologie nationale, et de se régénérer par une participation bien plus active que par le passé aux œuvres de charité, d’évangélisation et de missions qui commençaient dès lors à prendre un prodigieux essor dans les pays protestans. Ce retour aux vieilles doctrines réformées était facile à expliquer, surtout chez des hommes peu touchés des difficultés que leur opposait la raison moderne. La piété est volontiers archaïque ; l’homme mûr, battu par l’orage, revient aisément aux croyances de ses premières années. Ce mouvement, favorisé par le parti aristocratique, qui y voyait une garantie de plus contre les exigences du libéralisme, se fortifia encore, surtout dans les rangs du peuple, de l’antagonisme renouvelé entre le protestantisme et le catholicisme. Les difficultés croissantes avec la Belgique, l’issue pénible pour le patriotisme hollandais de la révolution qui s’ensuivit, les prétentions toujours plus hardies de l’ultramontanisme, qui disposait comme d’un seul homme du tiers au moins de la population, tout poussait le peuple protestant dans une voie ou il lui était bien difficile de distinguer les principes essentiels du protestantisme de la forme que ses pères lui avaient donnée aux jours glorieux de l’insurrection nationale. Ce mouvement put même prendre dans les dernières années des proportions inquiétantes aux yeux de ces fermes partisans de la liberté qui l’aiment trop pour la sacrifier au désir de combattre ses ennemis. Lorsqu’en 1853 la cour de Rome, ayant sagement résolu de rétablir la hiérarchie épiscopale parmi les catholiques de Hollande, eut, par un inexplicable oubli des convenances, jeté un injurieux défi à l’histoire et à la religion de la majorité des Hollandais par la manière dont elle développa publiquement les motifs de sa résolution, une redoutable colère s’empara de la masse protestante, à qui l’on avait adressé, à la face du monde, des insultes aussi peu méritées qu’inutiles dans la circonstance donnée.