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l’esprit humain, nous avons des préférences très arrêtées pour plusieurs des doctrines à la fois vieilles et nouvelles que nous avons exposées dans cette étude, et nous pensons que chacun des pas faits par l’homme à la recherche de Dieu le rapproche du but, même quand il s’en faut que ce soit en ligne droite ; mais en accordant au scepticisme tout ce qu’il voudra, il est une chose dont il ne peut pas contester la réalité : c’est la tendance naturelle, infatigable de l’homme vers un idéal qu’il n’a jamais vu et qui existe pourtant, puisqu’il ne cesse d’attirer l’homme. Je ne veux pas médire des progrès et des découvertes des sciences d’application immédiate. Oui, l’homme transforme la terre ; il maîtrise toujours plus la nature qui l’entoure, il en fait son humble servante, il la plie au gré de ses besoins et de ses désirs d’une manière vraiment prodigieuse. Assurément tout cela est fort beau ; mais tout cela tourne avec la planète et ne sort pas de l’orbite qu’elle décrit depuis qu’elle existe. Ce qui est encore bien plus beau et bien plus riche de pressentimens révélateurs, c’est de voir l’esprit humain s’échapper à chaque instant par la tangente pour se plonger dans l’infini.

Ce qui nous plaît aussi dans ce conflit d’idées religieuses, c’est cette confiance avec laquelle on en appelle à la science, soit pour défendre, soit pour épurer la religion, dans tous les cas pour la fortifier. Cela aussi est de tradition sur cette terre d’hommes libres. La théologie n’y est pas la vieille femme chagrine qui ne sait que maugréer contre la jeunesse et contre les sciences, ses sœurs, que jadis pourtant elle concourût à élever après que la chute du monde ancien les eut laissées orphelines et en bien bas âge. Lorsque l’illustre Taciturne récompensa la ville de Leyde de l’héroïsme qu’elle avait déployé contre les Espagnols en y fondant la fameuse université qui fleurit encore, ce fut la théologie qui, sous les traits d’une belle jeune fille qu’entouraient les quatre évangélistes, ouvrit le cortège symbolique où toutes les sciences du temps étaient représentées avec leurs attributs respectifs. Depuis lors, elles n’ont cessé de vivre en bonne harmonie, se prêtant de mutuels secours. La théologie hollandaise a trouvé dans le libre examen son rajeunissement perpétuel, et la Hollande marche aujourd’hui de pair avec l’Allemagne dans la rénovation de la science religieuse, ce grand œuvre auquel notre siècle est appelé.


ALBERT REVILLE