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combien il importe de signaler à la sollicitude des agriculteurs ainsi qu’à l’attention du public en général les moyens de tirer le meilleur parti de la situation nouvelle. Ces moyens, c’est à la science de les rendre populaires, en ne se bornant pas à décrire les meilleurs procédés de culture, mais en indiquant les principes et les données expérimentales sur lesquels ils s’appuient.


I. — LA VIGNE CHEZ LES ANCIENS. — COMPOSITION DU RAISIN.

Suivant d’anciennes traditions, que des recherches récentes ont confirmées, la vigne est originaire d’Asie ; elle croît spontanément dans la Géorgie et la Mingrélie, entre les chaînes du Caucase, du Taurus et du mont Ararat. La vigne est répandue, il est vrai, à l’état sauvage dans les haies et les bois du centre et du midi de l’Europe, mais elle ne s’y est ainsi propagée qu’à la suite des tentatives d’acclimatation qui ont doté d’une nouvelle source de richesse nos contrées viticoles[1]. Si l’on voulait ici ne négliger aucune des faces du sujet, il faudrait nommer comme les pères de la viticulture Osiris en Égypte, Bacchus dans l’Inde, Saturne dans la Crète, Noé dans l’Illyrie. Bornons-nous à constater que les Grecs et les Romains connaissaient deux sortes de vins alcooliques, acerbes-astringens ou sucrés, analogues à ceux que nous buvons nous-mêmes ; mais tout porte à croire qu’ils ont commencé par faire usage surtout des boissons presque exclusivement sucrées qu’ils obtenaient du raisin, imitant peut-être de cette façon le breuvage moins savoureux qu’ils vantaient pourtant sous le nom d’hydromel. C’est même seulement ainsi que l’on peut comprendre les antiques procédés, inapplicables à notre boisson vineuse, destinés à la conservation de différens vins de l’Asie, de ces vins qui, au dire de Galien, suspendus au coin des cheminées dans de grandes bouteilles, subissaient une véritable concentration appelée fumarium ; on les réduisait ainsi en une sorte d’extrait compacte offrant la dureté du sel. C’étaient sans doute des vins de cette nature, ou plutôt des moûts sucrés épaissis comme du miel, qui, suivant Pline, devaient être délayés dans l’eau, puis éclaircis par une filtration au travers de sacs en tissus : saccatio vinorum. D’après le conseil de Martial, on filtrait de même le doux cécube : turbida sollicito trmismittere cœcuba sacco. On conservait encore de semblables vins exposés au midi, au sommet des habitations, dans des locaux particuliers appelés horreum vinorum.

  1. Rappelons que la vigne vitis vinifera est placée par les botanistes dans la famille des ampélidées. Cette dernière dénomination vient du mot grec äμπεος vigne. Le vin était nommé dans l’ancienne Grèce οϊνος, d’où viennent les mots latin et français vinum et vin.