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relatives au choix des variétés et à la culture de la vigne, ni même à notre illustre compatriote Olivier de Serres, qui a posé les bases de tant d’utiles pratiques agricoles, nous pouvons citer les essais de l’abbé Rozier, éminent viticulteur du XVIIIe siècle, et les encouragemens offerts par M. de Champagny en vue de former une collection de vignes qui réunît les types des meilleures variétés reconnues par l’expérience dans les régions où prospère la viticulture[1]. Il était réservé à notre époque d’arriver, dans cette voie expérimentale, à des résultats vraiment pratiques. La Société centrale d’agriculture avait dès longtemps compris les avantages d’une exacte synonymie des bonnes variétés de vignes françaises et étrangères. En 1840, elle applaudissait des premières, par l’organe d’Oscar Leclerc Thouin, aux efforts heureux de M. le comte Odart, qui entretient une belle collection de vignes sur son domaine de La Dorée, auprès de Tours. En 1859, M. le duc Decazes fut nommé par cette société président d’une commission spéciale ; il vient de reprendre avec de nouveaux moyens de succès le projet qu’il avait autrefois mis à exécution en établissant dans le vaste jardin du Luxembourg une grande collection des cépages français et étrangers, qui compte, suivant MM. le duc Decazes, Hardy et Bouchardat, près de deux mille variétés distinctes. Il ne s’agit plus que de rectifier définitivement la nomenclature de ces variétés nombreuses, de la rendre complète et facile à consulter à l’aide d’une double classification par région viticole et suivant un ordre alphabétique, enfin de comparer les qualités de tous les produits réunis au Luxembourg en cultivant des plants de la collection tout entière sous les conditions différentes que déterminent les climats variés de la France, à Paris, Tours, Montpellier, en Algérie[2]. Cette comparaison, pleine d’intérêt

  1. L’abbé Rozier avait entrepris en 1780 de fonder un établissement dans lequel il se proposait de dresser la synonymie des cépages, d’indiquer leurs caractères distinctifs, les procédés de culture et de taille propres à chaque variété, les qualités des produits et les proportions des mélanges de raisins qui pouvaient donner les vins les plus estimés. Divers obstacles imprévus firent échouer son projet. M. de Champagny, ministre sous le premier empire, donna la mission de rectifier la nomenclature des cépages a Bosc, membre de la section d’économie rurale de l’Académie des Sciences et de la Société d’Agriculture. Ce savant, par des recherches actives en différentes contrées, s’était mis en mesure d’accomplir la tâche difficile qui lui était confiée ; mais la mort vint le surprendre avant qu’il eût réuni ses observations nombreuses en un corps d’ouvrage méthodique.
  2. Les dispositions qui ont été prises avec l’appui de M. le ministre de l’agriculture permettront de maintenir la collection de Paris dans le jardin du Luxembourg. La collection de l’Algérie sera confiée aux soins de M. Hardy, l’habile directeur des pépinières centrales qui répandent chaque année dans notre vaste colonie un grand nombre de bonnes espèces et variétés d’arbres à fruit et forestiers. M. Mares, correspondant de la Société centrale, surveillera la culture de la collection transplantée dans le département de l’Hérault, et M. Demetz, le savant agronome-administrateur qui dirige avec tant de zèle, de dévouement et de succès la colonie pénitentiaire de Mettray où six cent cinquante enfans sur sept cents travaillent à la culture de 250 hectares, met le plus gracieux empressement à cultiver la collection destinée au département de l’Indre. Déjà M. le duc Decazes a pu s’assurer lui-même du concours qu’il est possible d’attendre de la part des jeunes détenus : pendant son séjour, une brigade d’entre eux fut chargée, d’après ses indications, de dresser par département une liste alphabétique des cépages. Les jeunes ouvriers, devenus apprentis viticulteurs, parvinrent, après s’y être pris à deux fois il est vrai, à dresser exactement la table alphabétique qui leur était demandée.