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raisin est alimentaire. Or il arriva que quelques propriétaires mieux avisés, remarquant la consommation énorme de raisin qui résultait de cette méthode d’alimentation et le peu de travail accompli par chaque individu sous l’influence de ce régime, essayèrent de fournir aux travailleurs un repas plus substantiel au milieu du jour. Cette innovation leur réussit à merveille ; ils obtinrent à moins de frais plus de travail mieux exécuté. Bientôt les propriétaires voisins reconnurent qu’une pareille dépense faite à propos était encore la meilleure économie, et l’exemple ne tarda guère à être généralement suivi : donc le raisin seul ne saurait constituer un bon aliment. Hâtôns-nous d’ajouter qu’aucune substance exclusivement employée ne saurait fournir une alimentation saine et fortifiante, car les hommes, ainsi que tous les animaux, doivent trouver dans leur nourriture, d’ailleurs appropriée à leurs organes digestifs, toutes les substances, et en proportions convenables, qui doivent servir à la réparation et au développement de leurs tissus. Quant au raisin en particulier, voici ce que la science peut nous apprendre : on voit, par sa composition immédiate, que ce fruit renferme des substances sucrées, azotées, grasses et salines, toutes jouant un rôle utile dans l’alimentation ; mais, d’une part, l’eau s’y trouve en quantité tellement considérable, qu’il faudrait un énorme volume de raisin pour qu’un tel aliment donnât à lui seul tous les principes solides nécessaires à la nutrition complète. D’ailleurs le jus du raisin Contient à l’état inerte plusieurs fermens qui reçoivent une énergie active au contact de l’air dès que ce jus s’écoule, aussi bien sous la pression de la dent que sous l’effort de la presse à vendange. Ces fermens, destinés à produire la transformation du sucre en alcool, peuvent exercer sur la santé une action quelquefois défavorable dont il faut tenir compte.

Ainsi d’une part le raisin renferme des substances éminemment nutritives, et d’un autre côté il contient des fermens capables de se développer au contact de l’air et de détruire partiellement les effets de la nutrition. De là cette conséquence facile à déduire, qu’en proportions convenables, le raisin, introduit dans les rations alimentaires des hommes, y peut jouer un rôle utile en équilibrant, comme plusieurs substances alimentaires tirées du règne végétal, l’action nutritive des alimens plastiques tirés des animaux. Pris trop exclusivement, les viandes, les légumes, exercent de même une influence fâcheuse sur la santé, tandis que le concours en est favorable au maintien et au développement de l’hygiène publique et de la force des populations. Rappeler ces notions positives trop peu répandues encore parmi toutes les classes de la population, c’est faire naturellement pressentir l’explication probable de ce qui se