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vite de puissance quand elle est en communication avec le sentiment public. Le conseil de l’empire n’a pas tardé à obtenir des concessions importantes qui peuvent conduire l’Autriche à une constitution libérale. Avant de connaître les dispositions principales de la constitution promise à la Hongrie, il est impossible de dire si le cabinet de Vienne a des chances de réussir dans l’œuvre de réconciliation qu’il tente enfin. Le système d’après lequel paraissent devoir se développer les nouvelles institutions autrichiennes a une apparence raisonnable. Rendre aux provinces l’usage public de leurs langues, une autonomie administrative, une autonomie politique beaucoup plus large à l’ancien royaume de Hongrie, réunir à Vienne une assemblée composée des délégués des assemblées provinciales qui formerait une représentation générale de l’empire, et réserver au pouvoir central la direction de la diplomatie, de la guerre, c’est-à-dire des intérêts collectifs de la monarchie, voilà l’expérience que va tenter l’empereur François-Joseph. Nous souhaitons que l’événement ne prouve pas que ces concessions ont été trop longtemps retardées, qu’elles puissent rendre à l’empire autrichien la force de cohésion qu’il allait perdre. La dislocation de cette Turquie chrétienne qui s’appelle l’Autriche, venant s’ajouter à la dissolution possible de l’empire ottoman, serait une des plus grandes perturbations qu’eût encore vues l’Europe, le commencement d’une autre guerre de trente ans. Il faut donc désirer que les mesures du cabinet de Vienne soient assez larges et assez sincèrement et libéralement pratiquées pour qu’une telle calamité puisse être conjurée. Il doit être assurément permis d’avoir dans la vitalité de l’empire d’Autriche une confiance au moins égale à celle que lord Palmerston a dans la vitalité de la Turquie. Si l’empire ottoman n’est pas dans une situation désespérée, s’il faut, nous le reconnaissons, s’efforcer de prolonger son existence, lord Palmerston passe un peu les bornes en lui délivrant, comme il vient de le faire, des certificats de bonne santé. Nous souhaitons que les affaires de Syrie, sur lesquelles l’attention se reportera quand nous aurons appris l’arrivée de notre expédition, ne donnent pas lieu à de nouveaux accidens. L’activité et la vigueur déployées à Damas par Fuad-Pacha sont à cet égard une garantie rassurante. Les puissances n’auront pas de peine sans doute à se mettre d’accord sur, les réformes qu’il faut accomplir dans l’administration vicieuse qu’elles avaient donnée au Liban en 1845 ; mais il s’en faut que de nouveaux palliatifs puissent mettre fin à la maladie chronique de la Turquie. Sans parler des causes complexes et profondes du mal moral, comment ne pas s’alarmer du mal matériel qui ronge cet empire, de l’état de ses finances par exemple ? La Porte offre de contracter un emprunt de 75 millions au taux fabuleusement usuraire de 40 pour 100.

Mais lord Palmerston, en avançant vers la fin de cette lente session du parlement, a repris ; les habitudes cavalières, le ton tranchant et les airs d’autorité qu’il avait adoucis singulièrement au commencement de cette année. Nous reconnaissons qu’il en a bien le droit, et nous ne sommes pas surpris que les récens succès de sa politique étrangère lui aient rendu son