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Ce n’est que dans ces dernières années qu’un second moyen de réaliser la réforme de la représentation nationale a été tenté en Suède. L’ordre de la bourgeoisie, dans lequel les représentans de l’industrie minière, si importante en Suède, avaient déjà été introduits, admit dans ses rangs, comme électeurs et éligibles, les propriétaires d’immeubles dans les villes ; douze mille personnes environ étaient appelées à profiter de cette mesure, qui, sans constituer un bien remarquable progrès, fraya cependant une voie nouvelle à la réforme. Que chacun des quatre ordres s’ouvrît ainsi aux nouvelles professions que le progrès de la civilisation avait fait éclore, et finalement la représentation deviendrait au moins plus complète. L’ordre de la bourgeoisie entrait volontiers le premier dans ce système, sa secrète espérance étant d’absorber peu à peu par la force des choses une grande partie de la vie politique qui animait la nation, et de rencontrer dans l’ascendant qu’il acquerrait ainsi les moyens de faire légalement reconnaître sa suprématie.

Voilà quelle nouvelle direction a prise en Suède la question de la réforme de la représentation nationale. La nécessité d’un changement quelconque de la constitution sur ce point spécial y est universellement reconnue ; mais les intérêts particuliers rendent la solution du problème difficile, et la bourgeoisie elle-même, qui semble mieux disposée que les autres ordres à adopter des modifications radicales, y est encouragée, à vrai dire, par la perspective d’un triomphe qui lui profitera tout d’abord. Quant au gouvernement, s’il est tenté de séparer un instant sa cause de la cause générale, il peut bien n’être pas fort avide de changemens, et le roi Oscar, pas plus que son père, n’a méconnu sans doute quelle force confère incontestablement à la couronne le mécanisme inintelligent de la représentation suédoise. C’est ce que Charles-Jean exprimait sans ambages quand il disait : « La division en quatre ordres est très profitable à la couronne, qui exerce une grande influence sur leurs majorités. La marche lente et compliquée des délibérations offre mille combinaisons diverses dont elle profite aisément. Le clergé reste invariablement uni avec elle. Les paysans ne font guère que ce qu’on leur conseille. On peut obtenir beaucoup des bourgeois en les caressant, et de la sorte je puis paralyser l’opposition la plus redoutable, celle des nobles, qui d’ailleurs ne sont pas difficiles à gagner ; seulement il en coûte. Bref, avec un peu de persévérance, on arrive à pondérer ces différens pouvoirs, et on avance, quoique lentement. » Admettons que Bernadotte se vantait bien un peu en s’attribuant tant d’adresse et tant de crédit ; mais il y avait du vrai dans ses paroles, et la royauté suédoise pourrait bien se croire intéressée encore aujourd’hui à maintenir, autant qu’il dépendra d’elle, l’édifice de la représentation nationale. La constitution d’ailleurs ne