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la Prusse de la Saxe, l’Angleterre du Hanovre ; l’Autriche était satisfaite ; l’Allemagne et l’Italie étaient délivrées ; lui seul, qui rendait à la coalition de si grands services, n’avait encore reçu que des paroles. Ce ne fut qu’à la fin de 1813 qu’il put diriger ses forces contre le Danemark. Encore fallut-il qu’il pressât singulièrement les opérations, car à peine était-il arrivé en Holstein que les alliés le rappelaient. Dans le parlement anglais, l’opposition reprochait déjà à lord Castlereagh les subsides qu’on payait à Bernadotte, et qui n’allaient servir, disait-elle, qu’aux intérêts particuliers de la Suède et non aux affaires de la coalition ; tant de retards allaient compromettre la prise des forteresses frontières de la Hollande. Ainsi pressé lui-même, lord Castlereagh rédigea une dépêche déclarant à Bernadotte que le gouvernement anglais lui retirait ses subsides et rappelait immédiatement le corps d’armée de Wallmoden, si le prince royal ne repassait aussitôt l’Elbe pour venir se joindre aux alliés dans leurs opérations contre la Hollande. Cette dépêche arriva à Kiel le 13 janvier 1814, à onze heures du soir. Le ministre, suédois Wetterstedt était déjà en pourparlers avec l’envoyé danois Bourke pour conclure le traité auquel se résignait enfin le cabinet de Copenhague ; mais il fallait à tout prix que la mésintelligence entre l’Angleterre et le prince de Suède ne fût pas connue jusqu’à la signature. Wetterstedt supplia donc l’agent anglais Thornton de lui garder pendant quelques heures encore le secret, et la nuit fut employée à rédiger en toute hâte les dernières conditions du traité, qui fut signé en effet à Kiel le 14 janvier.

Cette précipitation explique certaines conditions onéreuses que la rédaction peu précise de quelques articles du traité entraîna pour la Suède, ou que l’anxiété de Bernadotte accepta sans assez de prévoyance. Abandonnant par l’article 7 la Poméranie suédoise et l’île de Rügen, et par un article secret payant à Frédéric VI un million de thalers de banque, il aurait pu sans doute ne pas inscrire dans le traité l’article 6, par lequel la Suède assumait une portion de la dette publique du Danemark ; il aurait pu exiger l’abolition partielle de l’impôt du Sund et la cession de Bornholm et de l’Islande ; il aurait dû surtout exiger plus de précision dans les termes de l’article 4 :


« Sa majesté le roi de Danemark, y est-il dit, renonce irrévocablement et pour toujours, pour lui-même et pour ses successeurs, et au profit de la Suède, à tous ses droits et prétentions sur le royaume de Norvège, lequel (à l’exception du Grœnland, de Féroë et de l’Islande) appartiendra désormais à sa majesté le roi de Suède, et formera un royaume uni avec la Suède… »


Ces dernières expressions n’étaient-elles pas une restriction formelle