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la loi norvégienne doit se faire par le consentement et après les délibérations du storthing ; sont exceptées les modifications contraires aux principes mêmes et à l’esprit de la constitution.

Tel est l’acte destiné à régler les conditions de l’union entre la Suède et la Norvège. On en croit à peine ses yeux quand on lit ce monument d’imprévoyance et de confusion. Ne s’attendait-on pas, quand les états de Suède avaient réclamé, outre la constitution norvégienne modifiée suivant les nécessités de l’union, un acte particulier, à ce que cet acte nouveau contiendrait, sauf à répéter textuellement un bon nombre d’articles de la loi fondamentale, toutes les dispositions nécessaires pour prévoir et régler avec précision toutes les affaires et toutes les relations communes que l’union pourrait faire naître ? Conçoit-on de plus que l’article 12 ait été accepté par les états de Suède et par le roi ? Ce souverain n’est par aucun côté absolu ; comme roi de Suède ni comme roi de Norvège, il ne peut donc, selon l’esprit de l’une et l’autre constitution, admettre ou provoquer un changement dans les lois qui intéressent à la fois les deux pays sans la coopération de chacune des deux représentations. Voici cependant que les dispositions légales sur certaines affaires communes, loin d’être inscrites dans l’acte d’union pour n’être changées que d’un commun accord, sont en bonne partie restées uniquement dans la constitution norvégienne, qui, comme l’acte d’union, ne peut être modifiée qu’avec la coopération du storthing, sans qu’il soit en rien question de celle des états suédois ! Il est fort bien assurément que la diète suédoise ne puisse rien sur la loi fondamentale de Norvège, comme le storthing ne peut rien sur la loi fondamentale de Suède ; mais il fallait donc que l’acte d’union réglât à lui seul tous les rapports communs, et qu’il pût être modifié au besoin par le consentement des deux représentations sous la sanction nécessaire du souverain.

Bernadotte recueillit lui-même avec amertume les premiers fruits de ce fâcheux désordre. Il avait cru qu’il cimenterait à son aise l’édifice incomplet ; il le vit au contraire s’ébranler et chanceler tout d’abord sur ses bases imparfaites. Nous avons déjà indiqué une des raisons qui expliquent les ménagemens de Bernadotte à l’égard de la Norvège, — la crainte de l’Angleterre. Elle pesait encore sur lui en décembre 1814, même après l’union consommée. En voici une preuve curieuse, peu connue sans doute des Suédois et des Norvégiens eux-mêmes. À l’époque de la convention de Moss, le prince Christian avait envoyé à Londres pour intéresser le parlement en faveur de l’indépendance norvégienne une députation qui ne fut pas accueillie. Les membres qui la composaient durent retourner en Norvège ; un d’entre eux cependant resta à Londres en prétextant des