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d’accepter un système différent sans le déclarer ouvertement aux Norvégiens et sans en fixer d’accord avec eux, en révisant le pacte, tous les termes. Sa loyauté accepta la situation telle qu’elle était en 1844 : il consentit à ne voir dans l’union que le rapprochement de deux peuples indépendans et même égaux sous un seul roi ; mais en négligeant d’en prendre acte expressément et légalement, il ne tira peut-être pas de cette concession suprême tout le profit que la Suède en pouvait encore recueillir.

C’est aussitôt après l’avènement d’Oscar que les Norvégiens ont obtenu pleine satisfaction à la plupart des griefs qu’ils avaient tant répétés depuis 1836, après avoir songé même à intéresser en faveur de leur cause, bonne ou mauvaise, les puissances étrangères, comme l’eût fait un état souverain molesté par un voisin redoutable. Ils ont depuis lors un drapeau national différent du drapeau suédois, sauf la marque commune de l’union ; une moitié de l’écusson royal est réservée au lion norvégien ; dans les actes norvégiens, le souverain s’appelle roi de Norvège et de Suède. Ils ont accepté enfin sans aucun scrupule une décoration particulière : un ordre purement norvégien a été institué sous l’invocation de l’ancien roi de Norvège saint Olaf, lequel, de son vivant, avait mainte fois envahi, pillé et brûlé la Suède ; mais en même temps qu’à certains égards le roi Oscar mettait ainsi les Norvégiens sur un pied d’égalité avec les Suédois, il s’abstenait de poursuivre énergiquement toute idée de fusion entre les deux peuples. Une commission instituée par le roi son père pour rechercher les vices de l’union, déjà trop sensibles pour qu’on se les dissimulât, et pour proposer les réformes nécessaires, était assemblée lors de son avènement ; ses travaux s’achevèrent en silence et restèrent secrets, comme si le gouvernement nouveau n’approuvait pas le sens des réformes qu’elle avait pour mission de proposer. Une loi particulière, votée dès 1825, pour régler les relations commerciales des deux pays, supposait en principe la réciprocité et attendait du roi Oscar d’indispensables développemens ; mais on trouva sans doute qu’elle mettait en commun trop d’intérêts de part et d’autre, et elle resta si longtemps incomplète, que les Norvégiens finirent par demander qu’elle fût révisée ou entièrement abolie.

D’ailleurs les concessions faites par le roi Oscar avaient suscité de la part du storthing de véritables empiétemens. C’en était un que poursuivaient si obstinément les Norvégiens en 1855 dans l’affaire du jury. On avait résolu depuis près de dix ans la rédaction d’un nouveau code de procédure civile et criminelle basée sur l’institution du jury ; une commission avait été nommée à cet effet par le gouvernement, et ses lenteurs mécontentaient la Norvège : le storthing