Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi la puissance, le mode d’action d’une machine, tout, jusqu’à la matière qui sert à la fabriquer, doit être pris en sérieuse considération, afin que chacun conforme bien ses achats aux besoins réels de sa position particulière. Le choix judicieux des instrumens agricoles dépend donc, comme le choix judicieux des ouvriers, des assolemens et des animaux, de cette native rectitude d’esprit qui facilite singulièrement tout succès. On peut apprécier la valeur d’une ferme d’après plusieurs signes : le soin des fumiers, la tenue des bestiaux, la disposition des bâtimens, permettent de juger par avance dans la cour de l’exploitation, et sans visiter les champs, quel est le mérite du chef. Un simple coup d’œil sur la machinerie fournira le même renseignement avec un égal degré de certitude. Là où vous ne verrez que d’incommodes et mauvais outils, soyez certain que vous ne trouverez ni assez de fourrages, ni assez de bestiaux, ni assez de fumiers pour assurer de bonnes récoltes. Là où vous rencontrerez des collections entières d’instrumens de toute sorte, des engins élégamment disposés, datant tous du plus récent concours, soyez convaincu que vous avez affaire à un esprit peu pratique, vaniteux et superficiel. Le paysan routinier n’a pas de machines, ou n’en a que de défectueuses ; l’agriculteur gants-jaunes, si je puis m’exprimer ainsi, en a trop, et n’a pas souvent les plus économiques.

Étant compris quels instrumens on doit acheter, et combien on doit préférer ceux dont la force et la simplicité s’accommodent mieux des allures un peu grossières de nos paysans, il reste encore à vaincre une difficulté que je ne veux pas taire : la malveillance stupide qu’éprouvent souvent nos ouvriers ruraux pour les instrumens qu’ils ne connaissent point, et dont ils redoutent la réussite. Il faut, quand on se trouve ainsi contrarié par une opposition coupable, prendre bravement et énergiquement son parti, c’est-à-dire surveiller soi-même pendant longtemps l’emploi des machines nouvelles, stimuler l’amour-propre des ouvriers, leur faire voir qu’on apprécie bien les causes des premiers accidens qui se produisent, puis, si ces causes persistent par suite d’une hostilité continue, ne pas hésiter à renvoyer l’homme qui se refuse à obéir. Ni l’absentéisme, ni l’ignorance, ni la faiblesse ne permettent en semblables circonstances d’espérer le succès, et l’obligation où se trouveront certains propriétaires de diriger plus personnellement qu’autrefois les travaux nécessaires pour améliorer leurs domaines ne sera peut-être pas un des moindres services que nous rendront les machines agricoles. Le goût des occupations rurales, qui depuis une dizaine d’années augmente notablement déjà, devrait alors aux machines une popularité plus grande encore.

D’autres résultats doivent naître aussi des progrès de la mécanique