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Au lieu de butter, de renchausser les plantes qui végètent, au lieu de creuser des rigoles, veut-on niveler le terrain avant de l’ensemencer : la machinerie offre des ravales culbuteuses (espèces de grandes pelles) que traîne un cheval, et qu’un homme fait, à l’aide d’un levier, se charger et se décharger elles-mêmes alternativement. Si ce travail est considéré comme insuffisant, les rouleaux plombeurs interviennent à leur tour et par leur poids raffermissent le sol en même temps qu’ils l’unissent. Cette façon spéciale est surtout nécessaire dans les champs et les prairies dont les récoltes doivent être fauchées mécaniquement ; mais il convient d’employer de préférence des rouleaux composés de plusieurs cylindres indépendans, parce que les tournées de ceux-ci se font beaucoup plus vite et sans dommage pour les plantes.

C’est au moment des récoltes, moment si pénible pour les ouvriers et si inquiétant pour les cultivateurs, que commence l’intervention la plus admirable de la machinerie dans les travaux de la campagne. La préparation du sol se faisait déjà depuis longtemps avec des instrumens sans cesse meilleurs ; mais la récolte ne s’obtenait qu’à grand renfort de bras, qu’on ne trouvait pas toujours en nombre suffisant. L’importance du problème à résoudre était donc immense, car il faut, en quelques jours, couper, préparer et enlever tous les foins que mangent les animaux, couper, engerber et enlever toutes les céréales que consomme la population. Au court délai laissé par la maturité des grains et par la beauté du temps, une difficulté nouvelle, le manque des bras, venait encore ajouter ses terribles menaces. Quelques efforts que les inventeurs eussent déployés depuis le commencement du siècle pour résoudre le problème, quelques progrès qu’ils eussent réalisés, quelque foi dans le succès qu’eussent les hommes spéciaux, l’esprit public regardait, il n’y a pas longtemps encore, comme un rêve la coupe et la fenaison mécaniques des fourrages, la moisson mécanique des céréales. Aujourd’hui l’incrédulité n’est plus permise. À Vincennes en 1860, à Fouilleuse en 1859, les expériences qui ont eu lieu ont complètement réussi. L’emploi des moissonneuses, des faucheuses et des faneuses devient pratique ; il sera bientôt presque général.

Il paraît positif que, dès l’antiquité, les cultivateurs intelligens s’étaient préoccupés du secours qu’on pouvait demander aux machines. Entre les ; moyens grossiers dont nos lettrés peuvent rechercher curieusement la définition dans Palladius ou dans Pline et les machines actuelles, il y a, outre la distance des siècles, toute la distance qui existe entre un grand peigne arrachant tant bien que mal des épis et une moissonneuse coupant contre terre des tiges entières qu’elle dépose régulièrement elle-même hors du chemin qu’elle doit suivre à son retour.