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planches ajustées, eux qui couchent indifféremment sur les bancs de leurs canots ou sur la terre dure. Leur costume se composait, pour les hommes, d’un pantalon blanc et d’une chemise, et pour les femmes, d’une ou de deux jupes blanches et d’une chemisette très décolletée et à manches courtes. Seulement, comme la chemise et la chemisette ne descendaient pas au-dessous de la ceinture, elles flottaient librement au-dessus du pantalon ou de la jupe, se prêtaient à tous les mouvemens du corps et pouvaient s’enlever à l’heure du travail. J’ai retrouvé depuis ce costume, plus ou moins modifié selon les rangs, dans toutes les parties de l’Amérique centrale que j’ai visitées, et je dois dire qu’il m’a paru réaliser l’idéal de la commodité et de la convenance hygiénique. L’existence en plein air est la seule vraie, la seule qui assure à l’homme la jouissance complète des effluves fécondes par lesquelles se renouvelle incessamment la création. Il n’est pas indifférent pour la santé, pour la vie, pour le jeu régulier de nos facultés, que tous les pores de notre enveloppe physique soient ou non en contact direct avec la lumière et ouverts à ses pénétrantes impressions. La science nous a appris par exemple qu’il y avait entre l’homme et l’arbre un échange incessant de gaz contraires, et que la feuille nous rendait généreusement en oxygène pur ce que nous lui donnions en composés de carbone utiles à sa nutrition. Qui n’a pas éprouvé les effets quelquefois spontanés de ces bienfaisantes combinaisons de la Providence ? Même en Europe, où le vêtement cependant ne s’y prête pas, une demi-journée de forêt a souvent suffi pour effacer les rides et calmer les ardeurs d’un mois d’agitations. Sous le ciel des tropiques, au milieu d’une tiède atmosphère saturée d’arômes fortifians, les membres acquièrent plus de souplesse, on se sent vivre avec plus d’intensité, et l’on est débarrassé pour toujours de mille infirmités souvent ridicules de notre civilisation condensée.

Mon hôte était venu me demander des nouvelles de ma première nuit passée sous son toit. — J’ai parfaitement dormi, lui dis-je, je n’ai trouvé aucun serpent dans mon lit ; mais il me semble que nous avons eu un tremblement de terre.

— Un tremblement de terre ! s’écria mon excellent voisin. Oh ! je sais ce que c’est. Un Indien se sera appuyé contre la maison, et elle se sera ébranlée. Il ne faut pas faire attention à ces secousses. Il suffit qu’un rat se promène, — et nous en avons beaucoup, — pour que le plancher tremble sous ses pas.

Je constatai en effet la nuit suivante que les apparences d’un tremblement de terre se produisaient à peu de frais. Quand je rentrai, à dix heures, accompagné de don Juan, qui tenait une lanterne, je trouvai l’escalier et la galerie encombrés de gens qui dormaient