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On n’était pas libre au reste anciennement de choisir l’époque de la récolte : des ordonnances et des règlemens, rigoureusement exécutés, déterminaient en chaque lieu le jour où devait s’ouvrir pour tous le ban des vendanges. Ce n’est que depuis 1832, dans la commune de Dijon, et un peu plus tard sur d’autres territoires, que la suppression du ban des vendanges a laissé chacun maître de choisir à son gré le moment où la cueille doit être faite[1]. On reconnaît à certains signes la maturité du raisin, et, ainsi que l’ont conseillé M. Morelot et M. de Verguette-Lamothe, il faut saisir ce moment pour faire la vendange, sans s’inquiéter s’il reste dans le vignoble ça et là quelques grappes incomplètement mûres. Durant les années où la maturité se fait trop attendre, les premières gelées déterminent la chute des feuilles. Dès ce moment les fruits ne peuvent que subir des altérations sur le cep ; il faut se hâter de les cueillir. La même obligation se présente lorsque des altérations semblables commencent à se manifester par l’effet de pluies automnales trop prolongées.

L’époque des vendanges est attendue avec impatience par les populations. C’est comme un jour de fête qui se lève pour la contrée. Les travailleurs des environs y trouvent une occupation relativement lucrative. Il faut faire en sorte de se procurer un assez grand nombre de vendangeurs pour effectuer en un jour la récolte d’une cuvée. C’est une condition nécessaire pour la régularité des fermentations, qui doivent se succéder et non être interverties ; encore doit-on parfois éviter les rosées du matin pour les raisins à vins rouges, profiter au contraire de ce moment de la journée pour récolter les raisins destinés à la confection des vins mousseux ou des différens vins blancs, car alors le jus, plus facile à extraire, se clarifiera plus facilement aussi. La récolte se fait en quelque sorte méthodiquement. Les ouvriers, rangés en ligne, coupent chaque grappe, évitant d’égrener le raisin, ou recueillant dans le panier placé sous le sarment les grains qu’un excès de maturité fait tomber spontanément. Cette précaution a souvent une réelle importance, elle évite une déperdition notable. Des ouvriers spéciaux échangent contre des paniers vides les paniers pleins qu’ils vont vider dans de grandes hottes posées de distance en distance ; celles-ci sont portées au fur et à mesure qu’elles sont remplies dans des cuves ovales dites balonges, que des voitures font circuler sans cesse de la vigne au pressoir.

  1. Le ban des vendanges est également supprimé dans les crus du Médoc, où l’on observe de si bonnes pratiques de viticulture et d’œnologie ; mais cette fixation de l’époque des vendanges par l’autorité, sur l’avis de vignerons experts, existe encore dans beaucoup de communes de France, dans la Champagne notamment. Choisie souvent à temps utile pour le raisin noir, elle est parfois trop hâtive pour les raisins blancs, qu’un certain excès de maturité améliore.