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fait sortir le vin de deuxième pressurage. Deux autres opérations semblables font sortir du marc les liquides de troisième et de quatrième pressurage, Tous ces liquides, de plus en plus astringens, sont successivement réunis au vin de soutirage, qui forme un peu plus des deux tiers du volume total.

Dans les tonneaux remplis aux deux tiers ou aux trois quarts avec le vin soutiré, puis complètement à l’aide des liquides écoulés sous la presse, la fermentation, excitée de nouveau par le ferment remis en suspension, reprend et continue plus ou moins longtemps. Elle dégage des volumes de gaz acide carbonique proportionnés aux quantités d’alcool qu’engendre le dédoublement de la matière sucrée en ces deux produits. On doit donc s’abstenir de fermer hermétiquement les tonneaux durant quelques jours ; autrement le gaz, en s’accumulant d’heure en heure, déterminerait une pression intérieure telle que l’explosion pourrait s’ensuivre par la rupture des cercles ou la projection des douves de fond.

Il est facile d’éviter de pareils accidens en laissant la bonde ouverte, puis, lorsque le mouvement se ralentit, en la recouvrant avec une toile ou deux feuilles de vigne maintenues en place à l’aide d’un caillou. L’application de la bonde de sûreté serait bien justifiée dans ce cas, puisqu’elle offrirait toute garantie et dispenserait de la surveillance pour reconnaître le moment où cesse la fermentation. C’est à ce moment que l’on doit fermer la bonde ; encore pratique-t-on souvent à l’aide du foret une petite ouverture que l’on remplit incomplètement à dessein avec une cheville de bois posée très légèrement. On abandonne alors le vin en tonneau aux très lentes fermentations spontanées, qui par degrés déterminent de nouvelles productions d’alcool et d’acide, la précipitation d’une partie des matières colorantes azotées et salines, notamment du tartre (bitartrate de potasse), en même temps que l’éther œnantique à odeur vineuse[1] se développe, que le tanin se change partiellement en acide gallique et amoindrit l’astringence, que certains composés très volatils s’échappent par une imperceptible exhalation au travers des parois ligneuses[2], dégageant les essences plus stables et le bouquet, ainsi graduellement affiné, des bons vins.

Au bout de six mois environ, vers les premiers jours de mars, le vin, laissé en repos jusqu’à cette époque, doit être soutiré au clair et transvasé immédiatement dans un autre tonneau : c’est ainsi qu’on

  1. Découvert par MM. Liebig et Pelouze ; son nom, dérivé de deux mots grecs signifiant vin et fleur, annonce que cet éther entre pour sa part dans le bouquet des vins.
  2. On ne peut se refuser à croire qu’il en soit ainsi en considérant que la finesse de l’arôme des vins comme des excellentes eaux-de-vie de la Charente ne saurait s’acquérir en bouteilles à parois imperméables qu’après un assez long séjour dans des tonneaux.