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isole la lie déposée dans le premier tonneau. Après cette première clarification spontanée, les soins indispensables consistent à clarifier artificiellement le vin tous les ans, en hiver ou avant l’arrivée des premières journées douces du printemps. On fait usage pour cette clarification, dans chaque pièce de vin contenant environ 225 litres, de quatre ou cinq blancs d’œufs ou d’un volume presque double de sang frais de bœuf ou de mouton[1]. Dans les deux cas, on bat fortement le mélange avec un faisceau d’une douzaine de menues baguettes en bois ou en gros fil de fer, et même avec une fourchette de table. On remplace souvent les œufs ou le sang par 20 grammes environ de gélatine ou de colle de Flandre préalablement dissoute dans 2 décilitres d’eau chaude. Parfois encore il arrive que la clarification spontanée des vins est lente, difficile, et demeure incomplète ; alors il faut recourir à certains agens énergiques de clarification, le plâtre ou l’alun, sur lesquels on ne saurait trop appeler l’attention des fabricans et des consommateurs, car de semblables pratiques ne peuvent tendre qu’à déprécier les vins de France. Heureusement nous sommes en mesure de démontrer par des faits bien constatés les causes de ces altérations accidentelles et les moyens de se passer d’agens chimiques insalubres. Indiquons d’abord en quelques mots les circonstances naturelles qui prédisposent les moûts à subir ces altérations.

C’est principalement dans les contrées méridionales de la France, en Italie et en Espagne, là où les robustes ceps de vignes, isolés ou soutenus en hutins par des perches ou maintenus en cordons entre des arbres, mûrissent inégalement leurs fruits, que la méthode du plâtrage des moûts est adoptée. La cause principale de la difficulté que l’on éprouve dans ce cas pour clarifier les vins dépend surtout de l’excès de maturité d’une partie de la vendange. Les raisins en cet état commencent à se désagréger, ils éprouvent même un commencement de pourriture ; leurs tissus, partiellement réduits en pulpes brunies et d’une extrême ténuité, restent indéfiniment en suspension dans le vin. À une époque très reculée déjà, alors que les anciens employaient le plâtre pour clore de grands vases vinaires, l’on avait observé que dans ces conditions le liquide était devenu spontanément limpide. De là sans doute est née la méthode d’ajouter de fortes doses et jusqu’à 1 kilogramme de plâtre pulvérisé par hectolitre de jus sur la vendange en fermentation. L’effet qu’on en attend est assuré : sous cette influence, la fermentation se modère, les matières organiques en fines particules sont contractées et se pré

  1. Ce sang a dû être primitivement battu au moment même où l’on a saigné l’animal, afin de lui enlever la fibrine, qui autrement le ferait prendre en caillots.