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le roi Oscar, en présence de leur acceptation pure et simple, aurait sans doute passé outre sans attendre plus longtemps le consentement de l’Autriche ; l’escadre anglo-française aurait pris les Aland ; un corps de soixante mille hommes, appuyé désormais, en cas d’attaque, sur un pays allié, les aurait gardées facilement pendant tout l’hiver, et au 1er mai 1855 Suédois et Norvégiens seraient entrés en campagne avec les Anglais et les Français.

Telles étaient, dès la première année de la guerre, les dispositions du roi Oscar. On ne pouvait assurément les accuser ni d’être timides à l’excès ni d’être téméraires. Ce ne fut pas sa faute si les puissances occidentales ne crurent pas devoir s’avancer aussi vite et aussi loin qu’il le proposait. Lorsque, Bomarsund une fois prise, en août 1854, on lui proposa d’occuper les Aland, sans que l’alliance eût été préalablement conclue avec lui, il eut bien raison de refuser, en alléguant précisément le même motif qui empêchait les alliés de garder eux-mêmes ces îles : la difficulté de les défendre.

Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’histoire des négociations qui amenèrent le traité de novembre 1855, d’énumérer toutes les missions particulières, toutes les interventions personnelles qui conduisirent dans le secret ces négociations. Ces détails d’une assez curieuse histoire diplomatique n’ajouteraient rien à la démonstration, qui nous importe seule ici, de la conduite parfaite du roi Oscar dans des circonstances si critiques pour son pays. Ne s’exagérant pas les forces dont il pouvait disposer, il a été prudent, et n’a pas voulu conclure une alliance offensive sans de fortes garanties. Nul ne peut l’en blâmer. Confiant dans le courage et dans le patriotisme des Suédois, il n’a pas dédaigné non plus en leur nom les grandes espérances, et c’est de quoi répondre à tous ceux qui le disaient encore enveloppé dans les liens de la politique de 1812, particulièrement aux journaux semi-officiels de la Suède même, qui, croyant lui plaire, tant ils ignoraient ses démarches, tant il se montrait, au milieu d’une négociation si importante pour les plus chers intérêts de son pays, réservé et impénétrable, publiaient à l’envi qu’il fallait toujours rester neutre, qu’il n’y avait, à marcher contre la Russie, que des coups à gagner, et que la Suède n’avait plus à tout jamais qu’à tâcher de passer inaperçue parmi ces grands débats. Nous venons de donner, relativement à la conduite du roi Oscar, quelques dates que nous avons lieu de croire tout à fait exactes ; que les Suédois les comparent aujourd’hui avec ce qui se disait et s’imprimait chez eux en 1854 et 1855 : ils apprécieront ensuite à leur juste valeur et la publication du sixième volume des Souvenirs de M. le colonel Schinckel, et les paroles du roi Oscar à M. Brinck en octobre 1855, et les discussions des états à propos des crédits demandés par le roi, et cent autres circonstances encore.