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des paquets ou écheveaux que l’on pèse avec soin. L’unité de poids est 500 grammes, l’unité de mesure est 1,000 mètres. L’écheveau est divisé par longueurs de 1,000 mètres qu’on nomme échevettes. C’est le rapport du poids à la longueur qui détermine le degré de finesse ou le numéro du coton. Le numéro 1 se donne au coton dont une seule échevette pèse 500 grammes ; le numéro 100 comprend pour le même poids cent échevettes de 1,000 mètres.

Entre une filature de coton et une filature de lin, de chanvre ou de laine, il y a d’inévitables différences ; mais le travail des femmes demeure à peu près le même : ce sont toujours des éplucheuses, des soigneuses de carderie et de préparation, des rattacheuses et des empaqueteuses. La laine exige diverses opérations de désuintage, de graissage et de dégraissage ; cependant elle produit moins de poussière que le coton, elle contient moins de corps étrangers, et n’a point au même degré l’inconvénient de charger et d’empester l’atmosphère, d’adhérer aux cheveux et aux vêtemens. L’odeur de l’huile qu’on ajoute à la laine pour la lubréfier et faciliter le cardage et le peignage n’est désagréable que pour les étrangers. En général, le filage de la laine est moins pénible et moins pernicieux que celui du coton. Plusieurs filatures de laine sont remarquables par leur propreté et leur élégance. Au contraire, les préparations du chanvre, du lin, surtout des étoupes, dégagent une poussière abondante et malsaine. On ne peut les carder et les filer qu’à une température élevée et avec addition d’eau. Rien n’est plus douloureux à voir qu’une filature de lin mal entretenue. L’eau couvre le parquet pavé de briques ; l’odeur du lin et une température qui dépasse quelquefois 25 degrés répandent dans tout l’atelier une puanteur intolérable. La plupart des ouvrières, obligées de quitter la plus grande partie de leurs vêtemens, sont là, dans cette atmosphère empestée, emprisonnées entre des machines, serrées les unes contre les autres, le corps en transpiration, les pieds nus, ayant de l’eau jusqu’à la cheville ; et lorsqu’après une journée de douze heures de travail effectif, c’est-à-dire en réalité après une journée de treize heures et demie, elles quittent l’atelier pour rentrer chez elles, les haillons dont elles se couvrent les protègent à peine contre le froid et l’humidité. Que deviennent-elles, si la pluie tombe à torrens, s’il leur faut faire un long chemin dans la fange et l’obscurité ? Qui les reçoit au seuil de leur demeure ? Y trouvent-elles une famille, du feu, des alimens ? Tristes questions qu’il est impossible de se poser sans une émotion douloureuse.

Il est de grands établissemens qui renferment à la fois une filature et un tissage mécanique ; cependant ces deux industries sont ordinairement séparées. Les tissages présentent moins de complication que les filatures ; ils n’emploient pas ce grand nombre de