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quand le sujet fut à peu près épuisé, se mit à préconiser l’usage en vertu duquel les veuves se brûlent sur le cadavre de leur mari. Toute honnête femme ne pouvait, selon lui, se dispenser de ce devoir. — Pourtant, dit quelqu’un, si lord Lyndhurst venait à décéder, vous seriez fâché sans doute que lady Lyndhurst… — Lady Lyndhurst, interrompit-il, sait trop ce qu’elle doit à elle-même et à son mari pour ne pas monter sur le bûcher… Par exemple ce serait à nous de faire en sorte que la femme du lord chancelier s’en allât en grande pompe, et non comme une veuve de pacotille. On ferait de la cérémonie une affaire d’état… D’abord procession de juges… Les avocats viendront ensuite en cortège… — Et les prêtres, monsieur Smith ?… le clergé, qu’en faites-vous ? — Le clergé !… Il est allé en masse complimenter le nouveau chancelier.

On s’étonnera peut-être de la place que nous accordons aux contemporains de Leslie dans un récit dont il est le sujet principal. Notre excuse est dans la sobriété modeste avec laquelle Leslie a raconté son existence d’artiste. Donner la liste de ses tableaux et la date à laquelle chacun d’eux fut composé, rien de plus simple ; nous n’aurions qu’à copier quatre ou cinq pages du livre que nous avons sous les yeux[1] ; mais quel intérêt aurait ce catalogue ? Résumons-le donc en aussi peu de mots que possible. Nous y voyons que Leslie, égaré d’abord par les idées qui dominaient encore au moment de ses débuts, trouva cependant assez vite la voie qui lui convenait le mieux. Dès 1819, le succès de son Roger de Coverley[2] vint l’avertir qu’il était fait pour l’anecdote plutôt que pour l’histoire ou la poésie pure. Il était sorti du Vieux-Testament grâce à Shakspeare ; de Shakspeare il descendait doucement jusqu’au niveau d’Addison, et là tout d’un coup il se trouvait à l’aise, heureux, triomphant. Il ne méconnut pas cette vocation qui se révélait, et sans vaines luttes il sut s’y soumettre. Sa Fête de mai sous la reine Elisabeth (sujet goûté, applaudi par Walter Scott), sa Reine Catherine (son tableau de réception, sa diploma-picture comme académicien), sa lady Jane Gray refusant la couronne, ses scènes

  1. Volume II, Appendix. — Nous en extrairons seulement la liste des personnages connus dont Leslie a fait le portrait. Avec Washington Irving 1820 et Walter Scott 1821, ce sont deux notabilités de la secte des quakers mistress Fry et Samuel Gurney, miss Stephens peinte pour le comte d’Essex avant leur mariage, lady Lilford, peinte en 1834 pour lord Holland, la famille du marquis de Westminster 1835, la reine Victoria 1838, — elle est peinte recevant la couronne ; le grand-chancelier lord Cottenham et l’archevêque de Cantorbery Dr Howley ; la duchesse de Sutherland dans le costume qu’elle portait au couronnement ; la reine Victoria ibid. ; miss Burdett Coutts 1844, Charles Dickens 1846 ; John Everett Millais 1854 ; le duc de Wellington, peint pour miss Burdett Coutts, etc.
  2. Le principal personnage du Spectator d’Addison.