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un consul de France accrédité à Costa-Rica et indépendant de la légation de l’Amérique centrale. Aussi cette garantie suprême était-elle réclamée avec ardeur par toutes les classes de la population. M. Mora en avait fait pendant quatre années l’objet de dépêches pressantes, toujours restées sans réponse favorable. Cette démarche seule témoignait de la loyauté de ses intentions, de la légitimité des actes de son gouvernement, puisque, loin de craindre un témoin et un juge, il l’appelait de tous ses vœux. Il savait bien qu’un juge placé sur les lieux, en contact immédiat avec les faits, renverserait l’échafaudage d’informations prises dans un milieu hostile. Il espérait même que les conseils de ce juge désintéressé, représentant une nation amie, éclaireraient la marche de son administration et lui rallieraient quelques dissidens. L’un des caractères distinctifs de cette république exceptionnelle de Costa-Rica, celui qui contraste le plus avec l’orgueil démesuré de ses voisins du nord, c’est la modestie des habitans, quels que soient leur rang et leur fortune. Cette modestie m’avait frappé au début chez M. Vicento Aguilar, un millionnaire, un ancien vice-président. Elle se conciliait chez M. Mora avec une grande sûreté de vues générales et une grande hardiesse de volonté. On sentait l’esprit droit qui pouvait se tromper dans le détail, dans l’application, dans les moyens de gouvernement plutôt que sur le but à poursuivre, et qui eût accueilli avec bonheur les indications et les avis d’une civilisation supérieure. Qui sait même si l’influence conciliatrice d’un arbitre naturel, accepté et respecté de tous, ne nous eût point épargné la pénible surprise de la dernière révolution (14 août 1859) de Costa-Rica, inexplicable démenti donné à quinze ans de paix intérieure et d’ordre légal ?

Quoi qu’il en soit, M. Mora accomplissait alors la huitième année de sa haute magistrature, et il était déjà question de procéder à une révision de la constitution pour qu’il pût être réélu une seconde fois, le mandat présidentiel n’étant que de quatre ans et ne pouvant donner lieu à deux renouvellemens consécutifs. Son administration se composait d’un vice-président, don Rafaël Escalante, esprit élégant et fin, et de trois-ministres dont nous connaissons déjà le premier, M. Nazario Toledo. Le ministre de l’intérieur, M. Calvo, passait pour l’encyclopédie et la tradition vivantes de la république. Chargé de ce même portefeuille sous tous les régimes et de temps immémorial, il apportait dans ses fonctions une expérience consommée et une connaissance personnelle des moindres détails qui rendaient faciles les solutions immédiates désirées par M. Mora. Quant au ministre de la guerre et des finances, le général Canas, c’était, disait-on, le meilleur officier de l’armée active et l’un des hommes les plus considérés du pays. Il s’était acquis une gloire méritée par sa conduite dans la