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qui servait en même temps de cour des comptes et de haut tribunal politique. Tous les ans, les trois ministres présentaient à ce congrès un compte-rendu détaillé de tous les actes de leurs départemens, lequel était soumis à un décret spécial d’approbation. Le vote du budget se confondait ainsi, pour le ministère des finances, avec la déclaration de conformité qui clôt chez nous les exercices vérifiés. Ces comptes-rendus, publiés par le gouvernement, contiennent les témoignages les plus concluans du développement rapide de la prospérité générale. On y voit les recettes de l’état, composées presque exclusivement de droits de douanes et de monopoles spéciaux, accuser une augmentation régulière d’un cinquième ou d’un sixième par an, sans aggravation d’impôt d’aucune sorte, et sans qu’il vienne à la pensée de l’administration d’escompter d’avance cette plus-value de ses ressources. Bien loin de là, chaque budget présente un excédant de recettes considérable, qui, pour l’année 1853, la troisième du gouvernement de M. Mora, s’est presque élevé à la moitié de l’actif du trésor. Les revenus du pays avaient atteint 447,486 piastres (2,237,430 fr.) ; les dépenses n’ont pas dépassé 226,230 piastres (1,331,150 francs). Même au milieu des désastres et des suspensions de travail causés par la guerre nationale, le budget régulier, soigneusement séparé des emprunts et des moyens exceptionnels exigés par la situation, a maintenu son échelle ascendante et ses traditions de prudence[1]. Or il ne faut pas oublier que Costa-Rica ne connaît ni impôt foncier ni impôt mobilier, que les travaux publics extraordinaires s’alimentent par des dons volontaires ou par des prélèvemens spéciaux, qu’il n’y a que trois bureaux de douane, l’un sur le Sarapiqui, et les deux autres du côté du Pacifique, que la presse, entièrement libre, ne paie rien à l’état, et que par conséquent ce budget de 4 millions de francs pour une population de 200 à 250,000 âmes[2], — ce qui représenterait relativement 700 millions en France, — pèse uniquement sur les larges bénéfices du commerce et sur les achats volontaires de la consommation. Il est à regretter sans doute que deux produits de premier ordre, le tabac et la canne à sucre, ne jouissent pas de la franchise qui leur

  1. On en jugera par les résumés suivans des trois années 1855, 1856 et 1857, dans lesquelles se renferme la période des invasions flibustières.
    1855 1856 1857
    Recettes 2,970,780 fr. 3,275,140 fr. 3,458,040 fr.
    Dépenses 2,659,400 fr. 1,886,216 fr. 3,411,345 fr.
    Excédant de recettes 311,200 fr. 1,388,024 fr. 46,605 fr.
  2. La république de Guatemala, dont la population est de près d’un million d’âmes, n’a pas même un budget double de celui de Costa-Rica. Ses recettes de 1857 s’étaient élevées à 5 millions et demi de francs.