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l’égard des prévenus criminels, à moins qu’ils ne soient passibles des travaux forcés à perpétuité ou de la peine de mort. La liberté sous caution ne peut être refusée aux premiers qu’à titre d’exception, et elle peut être accordée aux seconds. En outre, le pouvoir d’ordonner la détention n’est attribué qu’au juge d’instruction, et il est soumis au contrôle de la chambre du conseil, s’il s’agit de délit, et du procureur du roi, s’il s’agit de crime. Aucune porte d’entrée n’est laissée ouverte au pouvoir arbitraire.

Les traditions de notre ancien droit, malgré les rigueurs dont elles rappellent le détestable souvenir, peuvent elles-mêmes être invoquées comme protectrices des prévenus. Si l’on consulte les ordonnances de Charles VII, de Louis XII, de François Ier, de Louis XIV, il sera facile de se convaincre que la liberté sous caution était réservée comme Un droit à tout prévenu domicilié, à moins qu’il ne fût poursuivi pour crime ; en outre, nul ne pouvait être retenu prisonnier au-delà de vingt-quatre heures sans être interrogé, et quiconque avait emprisonné à tort devait payer à la partie lésée des dommages-intérêts. Il est vrai que le droit d’évoquer à des commissions royales-chargées de juger certains accusés et le droit de priver les sujets de leur liberté sans aucune poursuite judiciaire, au moyen de lettres de cachet, avaient fini par rendre toutes les garanties tristement illusoires ; mais dès la première séance des états-généraux, le 23 juin 1789, le roi Louis XVI, dans la déclaration solennelle de ses libérales intentions, invitait les états-généraux à lui indiquer les moyens les plus convenables de concilier l’abolition des lettres de cachet avec les précautions nécessaires à l’ordre public, « afin d’assurer, disait-il, la liberté personnelle à tous les citoyens d’une manière solide et durable. L’assemblée nationale, fidèle à cet appel, entreprit de donner un large accès dans la constitution et dans les lois à toutes les garanties qui étaient réclamées. Après avoir un peu témérairement réservé la liberté de plein droit, même sans caution, à tous les prévenus de délits, elle tint à protéger efficacement les citoyens contre toute détention arbitraire, non-seulement en défendant, sous les peines les plus sévères, de renfermer un prévenu ailleurs que dans une prison ; mais en interdisant également aux concierges de prisons de l’y recevoir, s’il n’y était envoyé en vertu d’un mandat ou d’un jugement. En outre, l’assemblée permit de dénoncer la détention d’un citoyen aux officiers municipaux, et les juges de paix saisis de cette réclamation acquirent le droit de faire cesser la détention sans aucun délai, si elle leur paraissait illégale. Enfin quiconque avait souffert une injuste atteinte à sa liberté pouvait, sans aucune autorisation, faire poursuivre même criminellement, le fonctionnaire ouïe magistrat qui s’était rendu coupable ou