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les droits supérieurs de la nation avec le développement libre des populations, de goûts, de mœurs, d’esprits divers, qui composent la péninsule. Là est la force, là est l’avenir. » Toutefois, par rapport à l’administration financière, sans entrer dans aucun détail d’organisation, M. Matteucci se bornait à dire que la décentralisation pouvait rendre plus facile et plus économique la perception des impôts. Diminuer les frais de cette perception ou la rendre moins vexatoire, c’est assurément un grand bien pour les contribuables, mais ce n’est pas le plus grand. Une question plus grave réside dans l’assiette de l’impôt elle-même : comment imposer des charges égales à toutes les parties du royaume ? comment faire supporter à celles qui, sous un régime précédent, étaient le mieux traitées, la surtaxe dont l’équité commanderait de les frapper pour soulager celles qui étaient accablées d’un plus lourd fardeau ? comment éviter par conséquent de tomber dans l’écueil de rendre le nouveau régime impopulaire auprès des uns et d’exciter des comparaisons nuisibles pour la paix intérieure ? Ce sont là des matières délicates à traiter et des discussions dangereuses à soulever.

Déjà, dans la chambre des députés de Turin, le marquis Pepoli a demandé le 15 juin qu’un dégrèvement de taxes fût accordé à la Lombardie ; il a interpellé le ministre des finances pour savoir s’il se proposait de conserver dans le bilan de 1861 la surtaxe de 33 pour 100 imposée par l’Autriche à la propriété foncière. Les calculs présentés par lui ne manquaient assurément pas de gravité : ainsi, en comparant ce que la propriété acquitte pour l’impôt dans la province de Novare, la plus voisine du Milanais, avec l’impôt lombard, on trouve que les résultats sont de 15,274 pour Novare et de 22 pour la Lombardie. Qu’on abolisse la surtaxe de 33 pour 100, il en résultera sans doute une perte de 7 millions pour le trésor ; mais ce déficit n’a pas d’importance au moment où l’état fait un nouvel emprunt de 150 millions, dont l’emploi n’est pas encore déterminé. Le ministre des finances répondit qu’aussitôt après l’annexion une commission avait été chargée d’examiner toutes les questions d’impôt, qu’elle aurait voulu arriver à une péréquation exacte entre la valeur des propriétés dans les nouvelles et les anciennes provinces, afin de rendre les charges proportionnelles, mais que cette péréquation exigeait avant tout un cadastre uniforme, et que c’était une opération bien longue. La commission avait remarqué en particulier, pour ce qui concerne cette surtaxe de 33 pour 100 sur la propriété foncière, qu’on ne pouvait, vu l’état des affaires, diminuer le poids d’un côté sans le reporter sur un autre, et que si les charges de la propriété étaient très lourdes en Lombardie, il n’en était pas de même de celles qui frappent les arts, le commerce, ni des taxes