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ressemblance physique là où il est nécessaire aussi de donner place à l’interprétation idéale, au langage calme de la forme révisée et épurée par l’art, — les œuvres de ce talent supérieur dans le genre tout spécial qu’il a choisi achèvent d’assurer le premier rang à l’école de notre pays. En outre, elles ajoutent à nos propres richesses dans le passé et dans le présent des titres assez nouveaux, des témoignages d’originalité assez nets, pour qu’on soit aussi mal venu à accuser en ceci les doctrines immobiles de la sculpture française qu’on le serait à lui reprocher le dédain des règles et l’oubli de ses traditions.

Les écoles étrangères, depuis le commencement du siècle, avaient dû à la renommée de certains artistes une importance toute nouvelle, et quelquefois les plus vastes succès qu’ait obtenus la sculpture moderne. Aujourd’hui les écoles étrangères ne comptent plus que des hommes de talent, dont la réputation dépasse rarement les frontières du pays où ils travaillent. L’héritage du sculpteur danois Thorwaldsen, un moment recueilli par Fogelberg, n’appartient depuis la mort de celui-ci à personne, comme depuis la mort de Bar, tolini aucun sculpteur italien n’a réussi à remplacer ce savant maître dans sa situation de chef d’école[1]. À Rome M. Tenerani, à Florence M. Dupré, ont, il est vrai, succédé à Bartolini, en ce sens qu’ils sont devenus, après lui, les deux talens les plus considérables de l’école italienne. Néanmoins le premier, malgré sa haute habileté et sa longue expérience, n’a pas acquis toute l’autorité d’un maître ; le second, après avoir débuté avec un grand éclat, n’a pas justifié toutes les espérances qu’avaient fait concevoir ses commencemens. Quoi qu’il ait produit depuis lors, il demeure et peut-être, demeurera-t-il longtemps encore ce qu’il était déjà il y a près de vingt ans, le sculpteur de l'Abel. Ni l’Angleterre, ni la Belgique ne trouveraient à opposer a nos statuaires des rivaux fort dangereux. Reste l’Allemagne, où, si l’on considère le nombre et l’importance matérielle des entreprises, la sculpture semble plus populaire qu’en aucun autre pays, mais où les maîtres font défaut comme ailleurs. L’école de Munich, en perdant Schwanthaler, s’est trouvée dépossédée du rang qu’elle occupait depuis plusieurs années, et c’est à Dresde maintenant sous l’influence de M. Rietschell, à Berlin auprès de M. Drake, que les sculpteurs travaillent avec le plus d’assiduité et de succès. M. Rietschell, le plus célèbre aujourd’hui des statuaires allemands, a exécuté, entre autres ouvrages notables, le Monument de Lessing à Brunswick et le groupe fraternel de Gœthe et de Schiller à Weimar. Il achève en ce moment pour la ville de Worms un immense travail en mémoire de la réformation et de Luther. En Prusse,

  1. Voyez, sur Fogelberg et Bartolini, la Revue du 15 juin et du 15 septembre 1855.