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au moment de la dernière explosion qu’une poignée de soldats, irréguliers pour la plupart, et qui n’avaient pas reçu de solde depuis deux ans. C’est cent fois plus qu’il n’en faut pour s’expliquer comment le feu a pu prendre dans la montagne entre deux tribus puissantes et armées sans que les pachas aient été capables de l’éteindre, comment il a pu se propager à Damas grâce aux passions d’une populace indomptée, avide de pillage, et que renforçaient les pillards nomades des alentours. Il n’est pas besoin d’en connaître davantage pour savoir comment les horreurs que l’Europe déplore ont pu se commettre, et il est surtout déraisonnable de vouloir en chercher la cause dans quelque grande conspiration qui se tramerait dans tout le monde musulman pour l’extermination des chrétiens. Cela se dit et se répète tous les jours. Il est cependant si facile de comprendre à première vue qu’une querelle entre Maronites et Druses, qui ne sont musulmans ni les uns ni les autres, ne peut pas représenter un complot tramé par les musulmans ! Ensuite que répondre à ceux qui viendraient objecter et le rôle que les Algériens d’Abd-el-Kader, qui sont musulmans, ont joué en cette occasion, et le pillage dont un grand nombre de musulmans à Damas ont eu à souffrir, et l’hospitalité qui a été donnée à un grand nombre de victimes par tant de musulmans notables de la ville, et même la conduite du pacha, qui, s’il a manqué de cœur et de force pour réprimer le désordre, a du moins recueilli dans la citadelle huit ou dix mille chrétiens qu’il a soustraits au massacre ?

Ce qui est vrai, c’est qu’aujourd’hui sur toute la terre, en Turquie, en Asie, en Afrique, partout où il existe des musulmans, ils ont tous le sentiment instinctif de leur mine, et qu’ils croient voir partout les chrétiens prêts à les exterminer. Ne nous montrons pas aussi aveugles ni aussi ignorans qu’eux en nous les représentant à notre tour comme tramant sans cesse l’extermination des chrétiens. Ce qui est vrai, c’est qu’aujourd’hui dans son empire encore si vaste le Turc ne gouverne plus, et que nous ne sommes pas au bout des catastrophes que son impuissance nous prépare. Pour un gouvernement, c’est un péché capital qui condamne les Turcs sans rémission et sans qu’il soit besoin de susciter contre eux un fanatisme. anti-turc qui ne serait ni moins injuste, ni moins déraisonnable qu’aucun autre.


II

J’ai essayé de décrire la Syrie, sa condition géographique, les races qui l’habitent et le gouvernement que l’Europe lui a donné en 1840. De ces traits généraux ne résulte-t-il pas avec une suprême évidence que la force vitale du pays réside dans la montagne, et