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des réparations pour le passé, et chercher des garanties contre le retour de scènes pareilles à celles qui viennent de soulever l’indignation de l’Europe. Je ne pense pas que leur tâche puisse se définir autrement, et qu’on puisse dire que nos soldats soient chargés de poursuivre des vengeances de race ou de religion. C’est un rôle qu’il semblerait d’ailleurs bien difficile d’imposer à une armée française, particulièrement à une armée qui se recrute indistinctement parmi les chrétiens, les Juifs et les musulmans. L’exemple même de l’égalité et de la fraternité avec lesquelles toutes les races et toutes les religions vivent sous nos drapeaux est une des leçons les plus utiles que nous allons donner à ces barbares, et il serait fort à regretter que ce caractère de désintéressement de notre armée, au milieu de toutes les passions qui animent les Asiatiques, fût comprom

is, même pour un peu. C’est heureusement ce qui n’arrivera pas. Quand je dis le désarmement, je n’entends pas seulement la rentrée de l’épée dans le fourreau et des fusils dans les maisons : j’entends bel et bien la remise des armes dont il vient d’être fait un si coupable usage ; j’entends aussi que la mesure sera appliquée généralement, sans distinction de race ou de croyance. On dira que faire rendre les armes à tout le monde, c’est livrer aux Turcs les chrétiens de Syrie. L’assertion est perfide, parce qu’elle rejette sur ceux qui croient à la nécessité du désarmement un vernis d’insensibilité odieuse. Néanmoins je ferai remarquer que ce n’est pas par excès de force, mais au contraire par excès de faiblesse, que pèche surtout le gouvernement turc en Syrie. J’ajouterai qu’à tous les points de vue pratiques, il n’est personne à qui un désarmement général profitât autant qu’aux chrétiens. Ils ont pour veiller sur eux des consuls que n’ont pas leurs adversaires, et c’est là leur véritable force. Quant à leurs armes, il est assez difficile de justifier par les événemens le parti qu’ils en peuvent tirer. Qu’ont-ils fait de ces armes ? Si ce sont les Maronites qui les premiers ont attaqué les Druses, comme tant de gens le prétendent aujourd’hui, je ne vois pas à quoi leurs armes leur ont servi, à moins que ce ne soit à leur inspirer la plus malheureuse confiance dans des forces qu’ils n’avaient pas. Si les chrétiens de Damas avaient des armes, il reste à expliquer comment une population que l’on estime à 25 ou 30,000 âmes a pu se laisser piller, incendier, égorger sans résistance, alors qu’une poignée d’Algériens a su se faire respecter en les protégeant. Si les chrétiens de Syrie n’ont pas d’armes, comment alors pourrait-il leur être désavantageux qu’on désarmât les autres ? Laisser des armes en Syrie, c’est en laisser seulement aux barbares. Et quant aux difficultés d’exécution de la mesure, on peut répondre que Méhémet-Ali avait déjà désarmé les Druses et les Maronites, que dans l’Inde