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devinrent les maîtres de la moitié de l’archipel caraïbe. Aujourd’hui, sur quarante îles, vingt leur appartiennent, commandées par la Jamaïque à l’ouest, la Trinidad au sud, la Barbade à l’est, Antigue au nord. Les Français, établis à Saint-Christophe dès 1625, arborèrent, en moins d’un siècle, leur drapeau sur la Guadeloupe, la Martinique, Sainte-Lucie, la Dominique, Saint-Domingue, qui devint la reine des Antilles, Grenade, Saint-Vincent, Tabago, et quelques autres. Sur les traces de leurs rivaux, les Hollandais accoururent, et trouvèrent place à Saint-Eustache, aux Iles-Vierges, à Curaçao, à droite de la route qui les conduisait à la Guyane et au Brésil, leurs plus importantes possessions. À leur tour, les Danois s’emparèrent de Sainte-Croix ainsi que de Saint-Thomas, un îlot stérile que personne ne leur disputait, et qu’ils ont su rendre fécond par la liberté commerciale. Les Suédois, ne trouvant plus rien à prendre, acquirent des Français l’île de Saint-Barthélémy au prix d’un droit d’entrepôt à Gothembourg ; de plus, en 1813, ils achetèrent la Guadeloupe aux Anglais, qui s’en trouvaient momentanément les maîtres, marché que rompirent les événemens de 1815. Les Portugais seuls ne revendiquèrent rien, satisfaits sans doute du Brésil, enlevé à la Hollande, et qui rentrait dans les limites que leur avait tardivement accordées la libéralité du pape Jules II, rectifiant le partage du monde nouveau fait par l’un de ses prédécesseurs.

À la rivalité d’ambition, qui fut le premier mobile de ces occupations, faites un peu au hasard et sans aucun plan préconçu, s’ajouta bientôt l’influence des intérêts militaires et commerciaux pour transformer les haltes et les comptoirs en places fortes. Dans cette chaîne d’îles qui s’arrondit en arc sur l’Océan-Atlantique depuis la pointe de la Floride jusqu’au cap Paria, chaque anneau devint un poste hérissé de défenses, disposé pour la surveillance et l’attaque, tout en favorisant un cabotage d’île en île, propice à la contrebande, et le trafic avec les navires européens. Grâce au triple mouvement de la guerre, de la navigation et du commerce, les populations se massèrent, des cités se construisirent, et de proche en proche la colonisation rayonna dans les campagnes. Aujourd’hui les cabanes de bois des premiers jours sont devenues des villes qui ont grandi à l’ombre des citadelles ; les rares pionniers établis au début ont donné naissance à de nombreuses générations, et les petites îles que dédaignaient les compagnons de Colomb n’ont cessé d’être des points d’appui pour les combats aux époques de guerre, des théâtres de concurrence agricole et commerciale aux époques de paix. Le rôle de l’archipel des Antilles a grandi surtout depuis que les principales productions des îles, le sucre, le café, le tabac, le cacao,