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témoin le général Zabala, qu’on allait être obligé, ce jour même, de descendre à demi paralysé de son cheval. Prim personnifie en quelque sorte l’élan, la résolution, la témérité, si l’on veut, dans cette chasse stratégique aux Arabes. Jeune encore, fils des révolutions, meurtri quelquefois par la politique et très prompt à se relever, le comte de Reuss, aujourd’hui marquis de Castillejos, a surtout l’âme du soldat, l’impétuosité du Catalan ; il avait particulièrement l’avantage d’avoir fait la guerre ailleurs qu’en Afrique ou en Espagne : on se souvient qu’il fit en volontaire, il y a quelques années, la campagne du Danube avec les Turcs. Prim se mit donc en marche le 1er janvier 1860, au point du jour, avec sa division de huit bataillons et deux, escadrons des hussards de la Princesse qui lui avaient été donnés. Il avait devant lui la vallée de Castillejos, une petite plaine qui s’élargit vers la mer et qui se resserre en se repliant vers les montagnes, où elle se perd par une gorge profonde. Dans cette solitude toute verdoyante, on n’aperçoit que deux accidens de terrain, deux ondulations, que dominent les débris d’une petite tour autrefois fortifiée et un marabout en ruine placé sur l’éminence la plus saillante. La vallée est entourée de hauteurs et de plateaux qui s’élèvent par degrés.

Il s’agissait de prendre possession de cette vallée, de nettoyer ces hauteurs, en un mot de conquérir des positions nouvelles, qu’on mettrait à l’abri de toute irruption. Prim n’avait pas été si matinal, que les Arabes ne l’eussent encore devancé. Il se vit bientôt entouré, dans sa marche sur Castillejos, d’une nuée d’ennemis tourbillonnant sur ses flancs. Les Arabes se disposaient évidemment à disputer le passage. L’armée marocaine en effet, suivant tous les mouvemens des Espagnols, grossie de contingens nouveaux, se pressait, nombreuse et ardente, sur les hauteurs ou dans les défilés de Castillejos. Il y avait ces cavaliers fameux de la garde noire, à l’uniforme et au turban rouges, au burnous blanc, armés de l’espingarde et d’une espèce de poignard. Muley-Abbas lui-même enfin était là, Prim n’avançait pas moins, soutenant de vifs combats, poussant tout devant lui et allant s’emparer de la position du Marabout. On était maître de toute la vallée et de ce léger plateau du Marabout, rapidement enlevé.

Ce n’était là cependant, en réalité, que le prologue de l’action. Les Arabes couronnaient les hauteurs environnantes et dominaient la vallée de leurs feux. Pour être en sûreté dans les positions que l’on venait de conquérir, il fallait emporter les hauteurs supérieures et rejeter au loin l’ennemi. C’est ce que fit aussitôt le comte de Reuss, lançant ses bataillons à l’assaut des pentes qu’il avait devant lui, tandis que les deux escadrons des hussards de la Princesse,