Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/447

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liberté, et de laisser débarquer tout ce qu’il fallait pour un siège, si la ville opposait une résistance sérieuse.

Rien de plus animé d’ailleurs à ce moment de la campagne que cette vega de Tetuan, dont le silence oriental était soudainement troublé par tous les bruits de la guerre. En face de la ville mauresque, à deux lieues à peine, s’élevait comme une ville nouvelle adossée à la mer et se déployant dans la plaine avec ses maisons mobiles. Des ports de Ceuta, d’Algésiras, de Gibraltar, accouraient une multitude de petites embarcations chargées de provisions et remontant le Guad-al-Gelu. La plage devenait une sorte de marché où arrivaient tous ces petits industriels qui sont à la suite de toutes les armées. C’était comme le Balaklava ou le Kamiesh de l’armée espagnole. Pour plus de ressemblance, il y eut un commencement de chemin de fer destiné à relier la plage à Tetuan, quand la ville serait prise, et à servir en attendant aux besoins de l’armée. C’était le colonel Alcala de Olmedo qui en avait eu l’idée, et qui dirigeait les premiers travaux ; en même temps on faisait appel à la compagnie du chemin de fer de Séville à Cordoue, qui envoyait un ingénieur et du matériel. Le mouvement était partout, sous toutes les formes ; les vivres ne manquaient plus.

Il y avait pourtant l’ombre au tableau. En mettant la tête hors de la tente, on était exposé quelquefois à voir les civières portant des morts foudroyés par le choléra et il ne fallait pas se hasarder trop loin vers le fleuve si on ne voulait être surpris par l’ennemi et laisser sa tête en trophée. Ce n’était, à vrai dire, qu’une halte. Le 23 janvier, on recommençait à se battre. Les Arabes se jetaient sur les travaux de défense des Espagnols, et ils furent naturellement repoussés par le général Rios. Le 31 janvier, ils renouvelaient leur attaque dans de plus grandes proportions pour célébrer l’arrivée d’un autre frère de l’empereur, qui venait partager avec Muley-Abbas le commandement des forces marocaines. Les Arabes espéraient surprendre l’armée espagnole, la, précipiter dans la mer ou la tourner et l’envelopper en se jetant sur le Fort-Martin et sur la Douane. L’action fut sanglante, et les positions espagnoles restèrent intactes. Malheureusement, le 31 comme le 23, la cavalerie espagnole, en, chargeant, allait se jeter dans des marécages où elle avait cruellement à souffrir. Jusque-là, O’Donnell n’avait fait que se défendre, laissant à l’armée le temps de respirer ; avant de ; reprendre son élan. Tout rendait désormais inévitable un choc décisif dont Tetuan était le prix.

Qu’on se représente à peu près la position de l’armée marocaine massée à deux lieues de la mer, derrière de puissans retranchemens, — partagée en deux camps, dont l’un, en avant de Tetuan et