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cession de Tetuan, à laquelle on essayait dès lors de substituer la cession de quelque autre point qui désarmerait l’Espagne en laissant au Maroc sa ville sainte, et pendant ce temps les Kabyles ne poursuivaient pas moins leur guerre implacable de tous côtés. À vrai dire, sur toute la ligne, de la Douane près de la mer aux hauteurs de Tetuan, l’armée espagnole était environnée de feux ennemis. Les soldats avaient fini par s’amuser de ce mouvement de parlementaires au milieu d’un feu incessant, et en entendant les coups de fusil des Arabes, ils disaient avec bonne humeur : « Les voici qui signent la paix ! » Cette situation qu’on essayait vainement de dénouer, et où tout était péril, ne pouvait être tranchée que par un effort nouveau, par un coup hardi, et O’Donnell, ayant tout épuisé pour la paix, se décidait dès lors à marcher sur Tanger. Le 23 mars, l’armée espagnole s’ébranlait encore une fois.

La marche sur Tanger n’était pas moins hasardeuse que la marche sur Tetuan. Une des premières difficultés était de s’ouvrir un chemin où l’artillerie pût passer, et Prim avait repris son rôle de hardi pionnier de l’armée. Un autre problème était dans le degré de résistance qu’on rencontrerait. L’armée marocaine, singulièrement affaiblie, il est vrai, par ses défaites successives, n’était pas moins parvenue à se réorganiser et à réunir des forces nouvelles dans le mois qui venait de s’écouler. Le combat du 11 ne la représentait pas comme abattue ; elle était allée camper sur les hauteurs du Fondack qui coupent la route de Tanger, élevant une barrière difficile à franchir. Il y avait inévitablement à conquérir ce passage de vive force. Le 23, au lever du jour, l’armée se mettait donc en route au signal d’un coup de canon parti de la Alcazaba de Tetuan, ayant tout d’abord à se mouvoir à travers un épais brouillard qui embarrassait ses premiers pas. Le général Rios, avec sa division, s’avançait à droite par une série de hauteurs courant vers le Fondack, cette petite auberge où s’arrêtent les voyageurs allant de Tetuan à Tanger, et qui donne son nom à ce passage formidable. Le reste de l’armée, — Echague, puis le deuxième corps sous Prim, puis, en dernière ligne, Ros de Olano et le troisième corps, — marchant dans la même direction, remontait la vallée du Guad-al-Gelu, toute bordée de collines et de massifs où se cachent les douars arabes. On n’apercevait rien au départ. Bientôt le soleil, dissipant le brouillard, laissa voir. un pays d’une couleur agreste et singulièrement pittoresque. C’était une série de vallées charmantes, cultivées, couvertes de moissons et d’arbres, et arrosées par les eaux qui descendent des montagnes. Il y a un point où une de ces vallées se resserre : c’est l’entrée de la petite plaine verdoyante de Gualdras, dominée par quelques mamelons, et au-delà de laquelle on voit les hauteurs du Fondack. C’est à