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que, tout en sympathisant avec un peuple auquel l’Allemagne doit plus d’un élément de son développement intellectuel, les Allemands sont résolus à faire prévaloir leurs propres intérêts politiques dans toutes les directions, fût-ce même, s’il le fallait, au prix de bien vives sympathies. » Cette lettre mérite d’être remarquée comme un symptôme de l’opinion allemande touchant la question vénitienne. Cette opinion se prononce malheureusement avec tant de force contre les prétentions italiennes que l’association allemande elle-même, quoiqu’elle soit formée pour servir des aspirations unitaires semblables à celles qui animent l’Italie, est pourtant obligée de la subir et de la partager. C’est là le seul résultat positif qu’ait eu la réunion des unitaires allemands à Cobourg.

Cette fermentation universellement excitée dans les esprits par les questions étrangères a des conséquences fâcheuses. Parmi ces conséquences, il en est une qu’un journal accuse et déplore depuis quelque temps avec une véhémence si sincère, mais si peu avisée, qu’il ne prend pas garde qu’elle fournit un des argumens pratiques les plus concluans en faveur d’une liberté dont il est pourtant peu épris, nous voulons dire, liberté de la presse. Ce journal a l’air d’attribuer tous les maux du présent à la propagation systématique des fausses nouvelles par les correspondans des journaux étrangers. Il y a longtemps que nous avons signalé ce fléau des commérages et des nouvelles frelatées des correspondances, qui est un des vil de notre époque ; mais il est oiseux de faire la guerre aux fausses si l’on ne veut pas en même temps porter remède à la niaise et maladive crédulité du public. Les économistes savent que ce sont les mauvaises lois de douane qui enfantent la contrebande. Abaissez les tarifs, vous supprimez le contrebandier. Mettez les bons produits à la portée du consommateur, il abandonnera les mauvais produits. Les publicistes gouvernementaux, qui sont devenus bons économistes par un miracle de la grâce, feraient bien d’appliquer ces principes libéraux au commerce des idées et des faits politiques. À qui la faute, s’il nous a été donné de voir de notre temps ce commerce des gazetiers étrangers que nous ne connaissions que par les tristes pages qu’il a laissées dans l’histoire de l’ancien régime ? Qui a fait l’importance des correspondances des journaux étrangers ? Pourquoi le public français va-t-il lui-même y chercher avidement l’aliment souvent malsain de sa curiosité ? Quand la France avait une presse libre, avait-on jamais vu rien de pareil, et entendait-on jamais parler du mal que peuvent faire ces ridicules fatras ? Gémissez des effets, nous y consentons ; mais ayez la bonne foi et le courage de remonter à la cause. Reconnaissez que le silence n’est pas favorable à la confiance, qu’il est naturel que les ténèbres se remplissent de sots fantômes et créent de puériles terreurs, et que la liberté légale de la presse est aussi nécessaire à la saine direction de l’opinion publique qu’à la conservation des sentimens de l’honneur chez les écrivains. e. forcade.

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V. de Mars.