Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/629

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autrefois les toiles en les faisant passer rapidement sur des plaques de fonte chauffées. Maintenant on les flambé au gaz par l’ingénieux appareil de Samuel Hall. Quant à l’essorage, il est opéré, soit par la presse-cylindre, soit par l'hydro-extracteur de Pentzold, et l’eau est promptement chassée par une application de la force centrifuge. La mécanique à transformé le matériel ; mais au-dessus de cette rénovation de l’outillage il faut mettre les progrès chimiques, réalisés pour ainsi dire sur la gamme entière des couleurs, depuis la nuance la plus délicate jusqu’à la teinte la plus foncée[1]. Nulle industrie n’est plus redevable que celle des toiles peintes aux investigations de la science. Il suffit à cet égard de rappeler, les beaux « travaux de M. Chevreul sur le rôle joué par les agens chimiques et par la vapeur dans les opérations dont l’objet est de fixer les matières colorantes sur les tissus. Cette influence de nos savans est parfaitement appréciée en Angleterre. Un économiste anglais dit d’une manière catégorique : « C’est à l’Académie des Sciences que les Français doivent la supériorité qu’ils ont dans les arts, et surtout dans la teinture. »

Aujourd’hui on se joue de difficultés regardées comme insurmontables du temps d’Oberkampf ; Sur des étoffes plus légères assurément que celles auxquelles la riante imagination de l’antiquité donnait le gracieux nom d'air tissu, Mulhouse prodigue et fixe avec une admirable perfection tous les caprices de la ligne et tout l’harmonieux éclat de la couleur. La fabrication des toiles peintes, dont l’origine remonte chez nous à un siècle à peine, est une des branches les plus vigoureuses et les plus florissantes de l’industrie nationale, et c’est surtout à la supériorité de l’impression que nos étoffes de coton doivent de soutenir honorablement la lutte sur le marché extérieur contre la puissante production de l’Angleterre. Dans ce vivant épanouissement du présent, Jouy n’est plus qu’un souvenir. Des trente-six bâtimens que contenait le vaste enclos, il n’existe plus que le grand établissement, devenu une fabrique de caoutchouc, et la maison d’habitation Tout le reste a été démoli en 1847.

Outre la maison d’habitation, la famille avait conservé toutes les

  1. Sans essayer le dénombrement des progrès dont s’est enrichie la teinture, on peut citer la préparation des couleurs d’application au moyen des sels d’étain, l’enlevage blanc sur mordans d’alumine et de fer, les enlevages colorés, l’emploi du nitrate de fer pour le noir d’application, l’usage de l’acétate et du sulfate d’indigo pour les verts de Saxe ou pistache, les perfectionnemens apportés au genre lapis, l’emploi du jaune de chrome, etc., enfin l’appropriation à l’impression des étoffes de coton de divers moyens exclusivement appliqués jusque-là à la laine et à la soie. Ces progrès ont eu un double résultat, variété dans les produits et abaissement du prix de revient, et par suite développement de la consommation.