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Pour s’expliquer le rôle des engrais, il est nécessaire de comprendre de quelle façon le végétal les absorbe et se les assimile. Avant d’entrer dans la description des diverses fumures, il faut donc jeter un coup d’œil sur la théorie de la nutrition des plantes telle que la présentent les découvertes de la science contemporaine.


I. — DE LA NUTRITION DES PLANTES.

La seule base solide sur laquelle peut reposer cette théorie de la nutrition végétale est la composition même des plantes. On a été par conséquent amené à rechercher si les milieux où celles-ci devaient se développer contenaient tous les élémens assimilables correspondans à cette composition ; dans le cas où quelques-uns de ces élémens eussent fait défaut ou se fussent montrés insuffisans, il fallait les ajouter au sol en quantité et sous forme convenables : tel devait être, sans aucun doute, le rôle dévolu aux engrais. Il ne restait plus qu’à classer ceux-ci en plusieurs groupes suivant une valeur vénale qu’il devenait facile d’établir en raison de l’abondance ou de la rareté de chacun d’eux et des frais de transport.

Au commencement de ce siècle, les immortelles expériences de Priestley, d’Ingenhousz, de Spallanzani, surtout de Senebier et de Saussure, avaient parfaitement démontré comment, dans les actes de la respiration des feuilles vertes, une grande partie du gaz acide carbonique inspiré abandonnait son carbone fixé dans la plante, tout en dégageant, sous l’influence des rayons du soleil, son oxygène devenu libre. Cette décomposition rendait ainsi à l’air ambiant, par un perpétuel échange, les qualités salubres que la respiration des hommes et des autres animaux avait viciées par un effet contraire, la formation de l’acide carbonique. Se fondant sur ces données, on attribuait dans la nutrition végétale le rôle le plus important à l’acide carbonique et aux matières qui peuvent fournir le carbone. Les végétaux, ajoutait-on, sont formés presque entièrement de carbone et d’eau. Ce n’était guère que par les phénomènes partiels de sécrétions diverses que l’on découvrait dans les plantes certaines substances analogues aux produits de la nutrition chez les animaux. Senebier pensait alors que le principal rôle des engrais était d’occasionner une fermentation qu’il regardait comme le moyen le plus habituel de développer l'acide carbonique, aliment ordinaire des végétaux. De Candolle cependant trouva que « les engrais proprement dits méritaient un plus sérieux examen, qu’ils devaient agir sur la nutrition des plantes : 1° par la quantité de carbone et suivant les divers états sous lesquels ils se présentent, 2° par les matières spéciales qu’ils renferment, telles que l’azote, 3° par la présence de certains sels ou l’influence de certaines propriétés qui leur permettent