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formaient des incrustations autour des radicelles et de leurs spongioles ; elles les rendaient ainsi imperméables et interceptaient l’infiltration du liquide dans les vaisseaux et les différens tissus : dès lors les plantes se trouvaient abandonnées sans compensation à l’action desséchante de l’atmosphère[1].

C’est à la faveur de l’eau seule, dans laquelle elles peuvent se dissoudre, que les substances solides, minérales ou organiques, puisées dans le sol ou les engrais, pénètrent dans les végétaux. Aucune substance pulvérulente, quelle que fût la ténuité de ses particules, ne saurait passer au travers du tissu des spongioles. Il n’en faudrait pas conclure que réciproquement toute substance soluble dans l’eau dût indistinctement, et dans d’égales proportions, être absorbée par les plantes, comme quelques physiologistes le supposent encore ; s’il en était ainsi, toutes les plantes venues dans le même sol offriraient à l’analyse les composés minéraux dans des proportions semblables. Or les nombreuses incinérations faites par le savant minéralogiste M. Berthier dans ces conditions comparatives ont démontré des aptitudes d’absorption toutes spéciales chez les végétaux de familles ou d’espèces différentes. Deux espèces très rapprochées, vivant dans les mêmes eaux douces, offrent un exemple remarquable de cette faculté essentielle : le chara translucens, ainsi nommé en raison de sa transparence, sécrète à peine des traces invisibles de carbonate de chaux, tandis que le chara hispida reçoit et fixe autour de son tube central et de ses élégantes cellules ramifiées de si nombreux cristaux de carbonate calcaire, qu’ils en deviennent opaques, raides et rugueux. La cause de l’opacité ou de l’aspect terreux du chara hispida est facile à mettre en évidence : il suffit de plonger pendant quelques instans cette plante dans l’acide chlorhydrique étendu ou dans du vinaigre fort pour dissoudre l’incrustation calcaire avec une effervescence gazeuse d’acide carbonique, et rendre la plante transparente et flexible au même degré que le chara translucens.

Voici un autre exemple de la propriété de sélection que possèdent les plantes. Ne trouve-t-on pas dans l’Océan de nombreuses espèces d’algues marines, qui offrent chacune des proportions très différentes des diverses matières salines qu’elles ont cependant puisées dans le même milieu où toutes elles vivent et se développent entremêlées ? Nous verrons, en traitant des engrais mixtes, que ces algues, connues sous le nom vulgaire de varechs, constituent à l’état naturel un engrais végétal très estimé ides cultivateurs dans nos départemens de l’ouest, qu’une grande quantité de ces algues, spécialement

  1. En général Il faut préférer, pour les arrosages, les eaux de rivière et les eaux pluviales recueillies dans des réservoirs toutes les fois qu’entre elles et l’eau des puits. le choix est possible.