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colonies des Antilles au sein de la paix : l’inscription maritime, heureusement essayée dans la classe de couleur ; la milice, qui rapproche les fortunes et les races ; le recrutement, depuis peu autorisé pour des compagnies d’ouvriers. Dans ces divers cadres la population locale fournira des ressources trop souvent méconnues ou suspectées à tort, car à toute époque blancs, mulâtres et noirs, esclaves même, se battirent vaillamment, lorsque les chefs furent braves et loyaux.

Pour posséder tout leur ressort, les forces matérielles doivent s’allier aux forces morales : au premier rang de celles-ci se placent la foi résolue en soi-même qui naît du libre exercice des facultés personnelles et la confiance réciproque qu’enfante l’harmonie entre les citoyens. C’est de ce côté que les colonies ont laissé le plus à désirer, et la faute en est bien moins à l’esprit créole qu’au système général de la politique métropolitaine, peu propre, on l’a vu, à développer les grands caractères et à les unir entre eux et au pays. Les institutions faisaient trop défaut aux hommes, et les gouverneurs, de concert avec les intendans, amoindrissaient trop les administrés. Cependant les concessions les plus libérales appartiennent à l’ancien régime, il n’est pas inopportun de le noter. Le conseil souverain de la Martinique, sans posséder les pouvoirs excessifs que ce titre ferait supposer, jouissait d’une autorité considérable, et s’il n’eût constitué une oligarchie, là colonie aurait pu se croire bien représentée dans tous ses intérêts par l’élite de ses habitans. L’ancien régime connut encore les chambres d’agriculture et de commerce, les députés de paroisse votant l’assiette et la répartition de l’impôt, les assemblées coloniales instituées par Louis XVI en même temps que les assemblées provinciales de France. Durant la révolution, l’esprit local triompha plus que jamais, aussi bien à la Martinique, devenue anglaise, qu’à la Guadeloupe, soumise de nom plus que de fait à la république. La centralisation monarchique reprit le dessus avec le consulat et l’empire, et ne l’a plus perdu. Comités consultatifs locaux, conseils coloniaux, conseils municipaux, conseils-généraux même, privés de l’appui que donnent l’élection populaire et la publicité, n’ont opposé qu’un bien faible contre-poids au pouvoir absolu des gouverneurs, dont le renouvellement incessant entretenait pourtant l’incompétence.

Jalouse au loin de sa suprématie absolue, la métropole ne pouvait y être indifférente de près ; aussi faut-il arriver jusqu’à la fin du règne de Louis XV pour trouver des délégués coloniaux admis, d’après l’exemple qu’avait donné l’occupation anglaise, à siéger au bureau du commerce à Paris au même titre que les délégués des ports de mer. La révolution de 1789, imitée par celle de 1848, interpré