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put le changer, et les pouvoirs qui succédèrent à la commune de Paris ou au comité de salut public n’eurent qu’à se transmettre de main en main, pour en faire un usage divers, le levier qui soulève, le ressort qui lance la nation. À mille ans de distance, Napoléon put montrer pour l’uniformité le goût de Charlemagne, ce goût qui gagne même les grands esprits. Il n’imagina pas un moment qu’au moins la liberté administrative dût être le dédommagement de la liberté politique. C’est un fait remarquable assurément et dont il faut tenir compte que la durée sexagénaire de l’organisation qui porte son nom à travers tant de révolutions si différentes d’origine, de tendances et d’effets. La restauration pouvait disgracier la centralisation, répudier cette survivante de l’ancien régime, depuis qu’elle avait repris croissance et force sous les livrées de la révolution et de l’empire. Le parti royaliste était un parti essentiellement provincial. Plus indépendant que libéral, il pouvait, sans inconséquence et sans effort, s’élever contre un absolutisme administratif qui n’était pas son ouvrage, et soutenir que la légitimité devait, au nombre des usurpations qu’elle abolissait, comprendre celle des droits des localités. Il le soutint en effet par la bouche de quelques-uns de ses meilleurs orateurs, par la plume de quelques-uns de ses meilleurs écrivains. Incrédule ou du moins défiant à l’endroit des vertus du système représentatif, il croyait naturellement, il disait avec conviction que la plus vraie liberté était celle qu’avaient, suivant lui, connue et pratiquée ses aïeux. Le voile trompeur dont on parait l’ancien régime n’avait pas été alors assez complètement déchiré pour qu’on ne pût de très bonne foi prétendre que le passé savait se mieux défendre contre l’arbitraire au nom de l’état que ne l’avait su le présent contre l’absolutisme au nom du peuple ou de la victoire. Aussi la chambre de 1815 et les suivantes ne ménagèrent-elles pas les déclamations énergiques, les flatteuses promesses. L’opposition royaliste avait beau jeu pour reprocher au despotisme ministériel de s’appuyer sur l’omnipotence des bureaux, et sans artifice, sans tactique, plusieurs de ses hommes d’état parlaient de n’arriver au pouvoir que pour renouveler l’œuvre de Louis le Gros et s’illustrer comme lui par l’affranchissement des communes. L’offre, encore que sincère, ne fut pas vivement accueillie ; cette préférence donnée à la liberté locale sur la liberté politique, aux souvenirs du moyen âge sur les créations de 1789, n’exerçait pas sur les esprits une entraînante séduction. Les ministres n’étaient pas embarrassés de répondre que la surveillance éclairée de l’état valait mieux que la domination des influences particulières, et le parti royaliste était, comme tout parti vainqueur après une révolution, plus craint en province que le gouvernement de Paris. La royauté de Louis XVIII se retrouvait, comme