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Elle y pourvoit par la législation, elle y pourvoit par l’exécution des lois : c’est la police, en prenant ce mot dans son sens le plus général. La police, lorsqu’elle réprime, prend un nom particulier. La puissance publique, intervenant alors dans une sorte de conflit pour faire droit, s’appelle la justice. Nul doute que, dans les sociétés à nous connues, les lois d’ordre public ne doivent venir de l’état, ce qui comprend presque toutes les lois, la police, la justice. On ne diffère que sur les moyens d’acquitter cette dette de la société envers elle-même.

L’état doit-il de même avoir entre ses mains la religion, l’instruction publique ? Évidemment la nécessité n’est pas égale. Dans certains pays, il ne se mêle pas de la première et n’agit que dans les cas rares où l’ordre extérieur serait intéressé par les choses religieuses. Là même où il est moins discret, où il traite la religion en institution publique, il la secourt, la protège, il la surveille ou il la contient ; il l’impose rarement comme une loi ; il n’en fait pas une partie de son pouvoir propre. Toutefois, chez la plupart des peuples de l’Europe, elle ne reste pas une chose purement morale ; elle tient une place dans le royaume de ce monde : l’église s’appelle une puissance. La religion ainsi considérée ne peut plus être regardée comme une simple liberté de l’individu, quoique la liberté religieuse soit la plus sacrée de toutes, et la liberté religieuse elle-même est sous la garde des lois et de leurs ministres. On va au-devant, je suppose, des observations analogues que suggérerait l’instruction publique.

Nous ne compléterons pas ce dénombrement. Ce qui vient d’être dit suffit pour montrer qu’indépendamment de toute centralisation, la juridiction de la puissance publique n’est pas invariable : elle n’est point partout chargée des mêmes choses de la même manière. Maintenant, dans le cercle de ses attributions, doit-elle être constituée sur le principe de la centralisation absolue, c’est-à-dire de l’unité ?

Dans son centre même, l’unité n’est pas la forme nécessaire de sa constitution ni de son action. La division du pouvoir est regardée comme la garantie de toute liberté politique. Hors même des idées constitutionnelles, un pouvoir rigoureusement unitaire ne serait pas supporté, et l’apôtre le plus intolérant de l’absolutisme, le comte de Maistre, exige qu’au moins le pouvoir judiciaire reste séparé. Il en réclame l’entière indépendance, sacrifiant pour cette fois quelque chose de ses systèmes politiques à l’idée suprême de la justice. Dans plus d’un état constitué, le centre est la division même. Nulle part il n’existe un pouvoir unique. La présence des assemblées délibératives, une certaine publicité des débats, la liberté de la