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est le fameux exercice du cricket, qui consiste surtout à repousser la balle avec une raquette de bois.

J’ai dit les obligations que l’état, sous le régime libre de l’enrôlement, avait contractées envers le soldat et la manière dont il s’en acquittait. Il serait superflu d’insister sur les devoirs de l’armée anglaise, les mêmes en somme que ceux de toutes les armées dans les civilisations modernes. Il y a pourtant un trait unique dont il faut tenir compte, et qui distingue les troupes de la Grande-Bretagne : c’est l’ubiquité. Toutes les fois que je jette les yeux sur la carte de l’Europe, je suis surpris de voir les deux petites îles qui ont étendu si loin le réseau d’une puissance disséminée jusqu’aux extrémités de la terre. Comme cet homme riche dont parle Jean-Jacques Rousseau, l’Angleterre se trouve par cela même menacée sur une plus grande surface, et il lui faut toute l’énergie de son armée, d’ailleurs peu nombreuse, pour couvrir ses immenses possessions. Cette condition géographique impose au soldat anglais de rudes épreuves. Avec les colonies et les établissemens qu’elle tient sous sa main, la Grande-Bretagne est presque toujours en guerre, même en temps de paix. Puis aux travaux de la guerre s’ajoutent pour le soldat anglais les longs voyages sur mer, les marches et les contre-marches dans les contrées inconnues, la lutte contre les climats les plus divers, depuis les rochers de Gibraltar jusqu’aux bosquets fleuris de l’île de Malte, du groupe heureux des Iles-Ioniennes jusqu’aux savanes de l’Amérique du Sud, des mystérieuses et brûlantes solitudes de l’Inde jusqu’aux noires forêts du Canada. Sous quelle douce impression de mirage lui apparaissent à cette distance sa chère île natale, son village, sa chaumière, où il a laissé une vieille mère et des sœurs ! Il les revoit enfin, mais pour combien de temps ? Il lui faut repartir de nouveau pour la Chine ou pour les îles de l’Océanie. Ces voyages, ces privations, ces fatigues, ces contrastes de température, forment une partie de la dette que le soldat a contractée envers le pays, et au point de vue stratégique ils ont l’avantage de l’endurcir. Si l’armée française, sous le règne de Louis-Philippe, a trempé ses forces dans les campagnes d’Afrique, — comme on aime généralement à le reconnaître, — conviendrait-il de dédaigner une autre armée bronzée aux mêmes conditions, et qui de plus, dans sa marche cosmopolite, a été éprouvée tour à tour par les feux de l’Asie et par les glaces du Nouveau-Monde ?

La discipline étant l’âme des armées, il a fallu malheureusement frapper de châtimens rigoureux la violation des devoirs militaires. Je n’ai point à parler ici des punitions qui existent ailleurs. Il en est une qui appartient plus ou moins à la Grande-Bretagne, et contre laquelle s’élève depuis plusieurs années la voix unanime des moralistes :