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nissent, expédiées sur tous les points de la France, y sont l’objet d’un commerce considérable auquel sont dues la plupart des fortunes de cette contrée. Rien de pittoresque comme ces scieries qu’on rencontre à chaque pas dans ces vallées boisées. Un ruisseau qui fait tourner en grondant une roue hydraulique, un nuage de fumée bleue qui s’échappe d’un hangar en planches et tranche sur le sombre feuillage de la forêt, des tronces de sapin éparses sur le sol et attendant leur tour, le bruit sourd et régulier de la scie qui tombe en mordant le bois, donnent à ces usines primitives un charme tout particulier. Une scierie à plomb, la plus simple de toutes, représente un capital d’environ 3,000 fr., et peut débiter annuellement trente mille planches, d’une valeur de 40,000 ou 45,000 fr. On a aussi installé des scieries à manivelle qui, faisant mouvoir plusieurs lames à la fois, façonnent cent mille planches et au-delà.

Après les bois de service viennent les bois d’industrie appelés aussi bois d’œuvre. Presque toutes les essences peuvent être utilisées de cette façon et appropriées à l’un quelconque de nos usages. Le chêne donne des traverses de chemins de fer, du merrain pour les tonneaux, des lattes, des bois de menuiserie de toute espèce; exploité en taillis, il fournit des échalas pour la vigne et des perches pour les galeries de mines. C’est de beaucoup l’essence la plus précieuse et celle qui, à raison des nombreux usages auxquels elle est propre, atteint partout le prix le plus élevé. L’emploi du hêtre est plus restreint; cette essence est spécialement recherchée pour les ouvrages de boissellerie ; on en fait des attelles de colliers, des jantes de roues, des sabots, des manches d’outils, etc. Depuis l’invention du docteur Boucherie pour la conservation des bois, on le substitue au chêne pour les traverses de chemins de fer. Le charme est employé de préférence pour les objets qui ont à supporter une forte pression, tels qu’écrous, vis, roues d’engrenage, tandis que l’orme est d’un usage général dans la charronnerie. Le frêne, l’érable, le bouleau, les résineux, et jusqu’aux arbrisseaux comme le houx et le buis, donnent des bois de menuiserie ou servent à alimenter des industries locales quelquefois importantes, comme celle des tabatières dans le Jura ou celle des instrumens de musique en Hongrie et dans la Forêt-Noire.

Tous ces objets sont sinon entièrement fabriqués sur place, du moins ébauchés et dégrossis : les bois reçoivent une première façon en forêt et ne sont livrés qu’ensuite aux charrons, aux tonneliers, aux menuisiers qui les mettent en œuvre. Les ouvriers employés à ces travaux ne sont plus, à proprement parler, des bûcherons, ce sont des hommes spéciaux qui viennent souvent de fort loin et qui sont en général très bien payés. Il est en effet de l’intérêt des mar-