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coûtent pas plus de 5 fr. pièce, et dont la durée peut être portée à cinquante ans, réduirait le capital engagé à 290 millions et les frais d’entretien à 5,800,000 fr. : c’est une économie de 58 millions sur le premier et de 29 millions sur le dernier ; encore cette évaluation est-elle au-dessous de la vérité, puisque nous nous sommes servi, dans ce calcul, du prix actuel du chêne, au lieu du chiffre auquel il serait arrivé, si, comme nous l’avons dit, on n’eût pas trouvé le moyen de le remplacer. Qu’on fasse maintenant des calculs analogues pour les poteaux télégraphiques et les, pièces employées dans les ponts, qu’on étende ensuite les résultats obtenus aux autres pays de l’Europe, et l’on sera convaincu que l’économie annuelle dont la société est appelée à bénéficier par suite de cette découverte devra se compter un jour par centaines de millions.


IV.

Le bois n’est pas le seul produit des forêts, parfois même il n’en est pas le principal; elles nous donnent en outre diverses substances d’une importance majeure, dont les trois plus utiles sont les écorces, le liège et la résine.

Les essences indigènes dont l’écorce est employée dans l’industrie sont le chêne, le bouleau, l’épicéa, l’aune et le tilleul. L’écorce de cette dernière est filamenteuse, flexible et tenace; elle sert à faire des nattes, des tapis et surtout des cordes, qui résistent mieux à l’humidité que celles de chanvre. Ce genre d’industrie est très répandu dans le département de l’Oise, où l’on rencontre des forêts entières peuplées de tilleuls. C’est, d’après Olivier de Serres, de là que vient le nom de Chantilly, qui n’est qu’une corruption de champ de tillet (tilleul).

Les écorces de chêne, d’épicéa, de bouleau et d’aune sont employées pour le tannage des peaux. Elles contiennent une certaine quantité de tannin ou acide tannique, qui, mis en contact avec la gélatine des peaux, forme avec elle le composé insoluble et imputrescible appelé cuir. C’est la base d’une industrie considérable, dans laquelle la supériorité de la France, constatée à l’exposition universelle de 1855, ne s’est point démentie, puisque la valeur des peaux ouvrées exportées à cette époque, qui était de 45,200,000 fr., s’est élevée en 1858 à 51 millions[1]. Cette supériorité est attribuée en

  1. Contrairement à l’opinion générale, la France l’emporte même de beaucoup sur la Russie, dont les cuirs ont cependant une si grande réputation. Les cuirs de Russie n’ont aucune qualité particulière et ne doivent leur odeur caractéristique qu’à l’emploi pour le tannage d’écorces de saule très odoriférantes. La plupart de ces cuirs sont préparés à l’étranger, notamment en Angleterre, qui en expédie même en Russie.