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grande partie à la bonne qualité de nos écorces de chêne et aux soins qu’on donne à l’écorcement. Cette opération n’est pratiquée que sur les arbres destinés à être abattus, c’est-à-dire sur ceux qui sont compris dans la coupe annuelle; elle s’effectue en général en avril ou mai, au moment où la sève du printemps se met en mouvement : c’est alors que l’écorce s’enlève le plus facilement et qu’elle renferme le plus de tannin. On commence par faire au pied de l’arbre une entaille circulaire assez profonde, puis avec un outil tranchant on fend l’écorce en lanières, et on l’arrache ensuite de bas en haut jusqu’au point où l’ouvrier peut atteindre; quant à celle des parties supérieures, on l’enlève après l’abatage. Les écorces sont séchées au soleil, puis liées en bottes de 16 kilogrammes, valant, suivant les localités, de 1 fr. à 2 fr. 25 c. La botte. Un hectare de taillis de chêne de vingt ans peut produire jusqu’à cinq cents bottes, qui augmentent, on le voit, dans une forte proportion le rendement d’une forêt. Afin de favoriser l’industrie de la tannerie nationale, on avait jusqu’à présent prohibé la sortie des écorces. Or, la France ne consommant guère que le quart de ce qu’elle en produit, les trois quarts de celles-ci restaient sans emploi, sans profit pour personne, tandis que d’un autre côté l’Angleterre, la Belgique, la Suisse, le Piémont, n’en possédaient pas pour satisfaire à leurs besoins. C’était priver les propriétaires de bois de débouchés assurés, diminuer leurs revenus, et, comme on l’a dit fort judicieusement, mettre en quelque sorte à leur charge une partie de la chaussure du pays. Leurs énergiques et incessantes réclamations, restées longtemps sans écho, viennent enfin d’obtenir la satisfaction due à de si légitimes intérêts. Une loi, votée par le corps législatif le 11 juin 1860, lève la prohibition qui frappait à la sortie les écorces à tan, et en autorise l’exportation en franchise, comme celle du bois à brûler et du bois de construction. Elle crée pour le pays une richesse nouvelle, puisqu’elle permet d’utiliser un produit dont on ne pouvait jusqu’alors tirer aucun parti.

Le liège, cette substance légère et élastique dont les usages sont si nombreux, est également une écorce, ou plutôt une des parties qui constituent l’écorce. C’est cette couche subéreuse qui dans le chêne-liège (quercus suber) se développe entre l’épiderme et le liber. Cet arbre, qui appartient à la région méditerranéenne, est très abondant en Espagne, en Italie, dans le midi de la France et surtout en Algérie, où il forme à lui seul des forêts considérables. Jusqu’à l’âge de douze ans, l’arbre ne produit qu’un liège dur, coriace,