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particularité de cette profession, c’est que les ouvrières ne s’attachent pas à une maîtresse. Elles ont dans Paris un certain nombre de places où elles se rendent chaque matin, et où les maîtresses repasseuses viennent les embaucher pour la journée. En somme, il n’y a pas de grandes inégalités entre les ouvrières dans l’état de blanchisseuse : deux corps d’état seulement, et une différence de 25 centimes dans les salaires entre les ouvrières ordinaires et les ouvrières hors ligne. Il en est tout autrement pour les couturières, qui forment notre corps de réserve, et dont nous allons nous occuper. Là, le nombre des spécialités distinctes est considérable, et chaque spécialité occupe un important personnel. C’est à Paris, chef-lieu de la couture, que nous placerons notre centre d’opérations, sans nous interdire quelques excursions dans les provinces.

L’enquête de 1851 comptait à Paris, pour toutes les professions réunies, 204,925 ouvriers et 112,891 ouvrières; elle donnait les chiffres de 1847. La nouvelle enquête, dont les résultats ne paraîtront pas avant trois ans, signalera sans doute des différences notables, dues aux nouvelles lois douanières et à l’extension des limites de Paris; mais les rapports généraux entre les industries ne seront pas sensiblement modifiés, et le rapport publié en 1851 conserve sur ce point toute sa valeur. Sur 112,000 ouvrières, il y en avait au moins 60,000, c’est-à-dire plus de la moitié, qui s’adonnaient aux diverses sortes de couture. On comprendra à quel point ce nombre reste au-dessous du chiffre réel des ouvrières à l’aiguille, si l’on songe qu’on n’avait recensé que les ouvrières proprement dites, les salariées, et qu’il y a, principalement dans la couture, un grand nombre de petites entrepreneuses travaillant seules ou n’employant une ouvrière que par exception dans les momens de travail pressé. Par exemple, dans la profession de repriseuse, on n’avait compté que 98 ouvrières et 16 apprenties, en tout 114 personnes, et l’on avait laissé de côté 217 entrepreneuses travaillant seules, en réalité de véritables ouvrières[1].

  1. L’enquête indique le maximum et le minimum des salaires pour toutes les professions. Le maximum était de 5 fr. pour les modistes et les brodeuses, de 4 fr. 50 c. pour les couturières au service des tailleurs, de 4 fr. pour les couturières proprement dites, les ouvrières en corsets (article important : on vend chaque année 1,200,000 corsets à Paris) et les lingères. Les repriseuses, les couturières pour cordonniers et les couturières pour tapissiers atteignaient le maximum de 3 fr. 50 c. Le minimum tombait à 75 cent. par jour pour la friperie, la tapisserie, les gants de peau, à 50 cent. pour les giletières, les fabricantes de casquettes, à 40 cent. dans la cordonnerie et les gants de tissu, à 15 cent. dans la lingerie. Ces indications ont peu d’importance. Les gros salaires sont quelquefois touchés par un nombre d’ouvrières excessivement restreint; ainsi, pour la peinture sur porcelaine, l’enquête indique pour maximum un salaire de 20 fr.. par jour, qui n’était payé qu’à une seule artiste. Quant au salaire minimum, il est ordinairement touché par des infirmes ou par des ouvrières à la pièce qui n’ont que très peu de temps à donner par jour au travail industriel. C’est ainsi que l’on trouve mentionné, pour les ouvrières en lingerie, un minimum de 15 centimes.