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ment du siècle, dans la honte de nombreuses défaites, dans les douleurs de l’invasion et de l’occupation étrangère, enfin dans l’ivresse d’une victoire presque inespérée. On sait que les satisfactions et les illusions de ce sentiment populaire ne furent pas de longue durée : les espérances nées pendant la guerre de l’indépendance se dissipèrent presque aussi vite que la fumée des batailles. Les rivalités, les luttes d’influences, les oppositions d’intérêts, se révélèrent nettement dans la nouvelle organisation qui fut imposée à l’Allemagne en 1815, et qu’elle a conservée jusqu’à nos jours.


I.

Le rôle important que la Prusse avait joué dans la guerre de la libération plaçait cette puissance en face de l’Autriche, dans une situation agrandie. Il ne pouvait être question de rétablir l’empire au profit de l’Autriche, qui s’appliqua dès lors à retrouver indirectement la prépondérance en favorisant de tout son pouvoir les prétentions des princes allemands, dans l’espoir de les attirer à sa cause et de s’en faire un appui. Les hommes d’état prussiens, et à leur tête un hardi et intelligent patriote, l’illustre baron de Stein, s’étaient fait de la nouvelle confédération qu’on se préparait à créer une tout autre idée que les représentans du principe de la légitimité, auxquels M. de Metternich prêtait l’appui de sa réputation et de son influence. Les premiers comprenaient que la confédération ne serait qu’un vain mot, si ceux qui devaient en faire partie ne consentaient pas à renoncer à une portion de la souveraineté au profit d’un pouvoir central fortement constitué. M. de Metternich défendait au contraire les droits absolus et inaliénables des princes; il ne voulait voir dans la confédération qu’une simple agglomération de souverains où l’Autriche se réservait de recruter des alliés, au besoin même contre la Prusse. M. de Stein, touché du patriotisme que le peuple avait déployé pendant la guerre, alors que tant de princes avaient présenté le triste spectacle des lâchetés et des trahisons, réclamait dans la nouvelle constitution un certain nombre de droits communs à tous les Allemands, demandait la garantie du pouvoir central contre les empiétemens des souverains, et voulait ainsi placer un minimum de liberté politique sous la tutelle de l’union entière. M. de Metternich, ennemi déclaré de tout libéralisme, repoussa ces clauses protectrices en évoquant devant les souverains le fantôme de la démagogie; il multiplia les intrigues et les négociations avec les puissances secondaires et les gouvernemens étrangers, pour enlever toute chance de succès aux efforts de la Prusse. De leur côté, la Bavière et le Wurtemberg refusèrent de