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discuter les projets où il serait question de garantir des libertés politiques communes aux diverses parties de l’Allemagne. En vain le baron de Stein s’efforça-t-il de rattacher à ses plans l’empereur Alexandre, et obtint-il un moment de ce souverain, si écouté dans les conseils de la coalition, une déclaration favorable aux intérêts du peuple allemand. Les temporisations habiles et les artifices de M. de Metternich finirent par triompher des bonnes intentions des diplomates prussiens, trop faiblement appuyés par leur propre souverain, et dans ce travail de reconstitution générale de l’Europe qui succéda à la chute de l’empire français, il se trouva, chose étrange, qu’à part les arrangemens territoriaux, les vainqueurs furent moins bien traités que les vaincus.

Un mot de M. de Stein caractérise nettement l’œuvre qui sortit du congrès de Vienne : « Il est beaucoup question des princes médiatisés dans l’acte fédéral, mais très peu du peuple allemand.» Une expérience de plus de quarante années a fait ressortir toutes les conséquences de cette contradiction. La reconnaissance implicite des droits absolus des souverains, jointe au dualisme de plus en plus prononcé de l’Autriche et de la Prusse, a enlevé toute valeur pratique à la constitution fédérale. L’autorité de la diète s’est trouvée plutôt nominale que réelle : quand les deux grandes puissances s’entendent sur un point, elles entraînent tout le reste, mais leur accord n’a que la durée et les caractères d’une alliance ordinaire; quand au contraire elles sont divisées, chacune d’elles attire de son côté quelques puissances secondaires, comme une planète se fait suivre de ses satellites; tout le mécanisme de la confédération se trouve arrêté, et les efforts en sens contraire ne produisent qu’une tension pénible et l’immobilité. Aussi Francfort peut-il à bon droit être appelé le « tombeau des protocoles. » Les propositions, les contre-propositions, les amendemens vont s’enterrer les uns après les autres dans les comités de la diète : on sait bien ce qui peut y entrer, on ne sait guère ce qui en sort. Les résolutions de l’assemblée fédérale ne sont prises qu’après les négociations préliminaires des cabinets. La diète est devenue ainsi une chambre d’enregistrement, elle n’est point une chambre souveraine.

Il n’y a pas lieu de regretter à certains égards que, par la gênante organisation qu’elle a consenti à se donner, l’Allemagne se soit condamnée à une sorte d’inertie comme puissance collective : on ne peut considérer comme un très grand mal ce qui empêche une nation de se jeter à la légère dans les complications de l’action extérieure, ce qui sert de frein à l’esprit de violence et d’aventures; mais ce ne sont pas seulement des satisfactions de ce genre qui ont été refusées à la nation allemande : les actes de la vie intérieure y ont