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partial trouvera toutes ces qualités réunies chez l’auteur des Récits de l’Histoire romaine au cinquième siècle. M. Amédée Thierry sait dessiner et peindre, il a le sentiment le plus vif des grandes choses que dédaignaient certains esprits du dernier siècle, et il exprime des vues toutes nouvelles avec une précision scientifique.

Par une inspiration de piété domestique, M. Amédée Thierry emprunte le titre de son livre à son illustre frère. Les Récits de l’histoire romaine au cinquième siècle ne sont pourtant pas, comme les Récits des temps mérovingiens, une série de tableaux, une galerie d’épisodes destinés à mettre en scène les types variés d’une époque tumultueuse et d’une société qui se forme. Ce cadre convenait merveilleusement à la peinture de la société gallo-franke ; le choix seul du plan attestait l’art consommé du maître, et ce n’est pas dans le recueil où parurent la plupart de ces admirables récits[1] qu’il serait nécessaire d’en rappeler l’attrait dramatique et la vivante beauté. Appliquer ce procédé aux derniers temps de l’empire d’Occident, c’eût été méconnaître les exigences du sujet; M. Amédée Thierry a bien compris que pour une période si peu connue, si vaguement appréciée, si intéressante toutefois quand on l’étudie de près, il fallait avant tout s’attacher à l’enchaînement chronologique des détails et à la reconstruction de l’ensemble. Ainsi essayer de faire de vivans récits à l’exemple de son illustre frère et s’efforcer de mettre en lumière avec ces récits mêmes la succession des événemens qui ont substitué le monde barbare au monde romain, voilà la tâche que s’est proposée M. Amédée Thierry[2] ; tâche difficile, périlleuse, qui, inspirant de nouveaux efforts à l’écrivain, lui a fourni l’occasion d’ajouter une belle page aux meilleurs travaux historiques de ce temps-ci.

Le sujet de M. Amédée Thierry est circonscrit avec un rare bonheur. A voir cette unité d’action dans une période et sur un théâtre si nettement limités, on dirait une composition dramatique, une immense tragédie à la façon des chroniques de Shakspeare. Le drame commence à la mort de l’empereur Anthémius et se termine à la conquête de l’Italie par Théodoric; il embrasse vingt-six années, de 467 à 493. Bien des événemens à coup sûr remplissent ce quart de siècle, bien des épisodes, bien des figures diverses y sollicitent l’attention de l’historien; l’action dominante, le grand sujet d’où résulte l’unité du drame, c’est la révolution qui substitue les pa-

  1. Livraisons du 1er août, 15 décembre 1833, 15 juillet 1834, 15 mai 1835, 1er mai et 1er décembre 1836, 15 octobre 1841.
  2. Les lecteurs de la Revue connaissent quelques-unes des études de M. Am. Thierry sur le Ve siècle. Voyez les livraisons du 15 juin, 15 juillet et 1er septembre 1857, 15 juin 1859.