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Le christianisme modifia ce cérémonial sans l’abolir, et si les empereurs chrétiens continuèrent à être politiquement dieux après leur mort, si l’on put dire le divin Constantin et le divin Théodose comme on avait dit le divin Auguste, les apothéoses pourtant n’eurent plus lieu. On ne brûla plus les corps, ce qui était une pratique païenne odieuse aux chrétiens; on ne les remplaça plus par des images, ce qui eût été une idolâtrie condamnable : on les embauma pour les asseoir sur le lit de parade, ornés des insignes impériaux, et étalant aux regards le hideux contraste de la mort sous l’appareil de la puissance. On conserva d’ailleurs tout ce qui tenait à la garde, au cortège, à l’assistance du sénat, aux visites tumultueuses de la multitude; mais, au lieu de se rendre au Champ-de-Mars, on se dirigea vers l’église, où l’empereur était présenté le visage découvert, dans un cercueil d’or. La religion s’en emparait alors. Ce cérémonial, institué pour les obsèques de Constantin et devenu la règle des funérailles chrétiennes, fut observé par Honorius à la mort de son père. Reçu par l’archevêque de Milan au seuil de sa cathédrale, le corps de Théodose s’arrêta d’abord au voile qui séparait, comme une barrière infranchissable, le vestibule de l’église de la partie intérieure accessible aux seuls chrétiens baptisés. Là, l’évêque congédia l’assemblée, les païens se retirèrent, les catéchumènes se répandirent sous les portiques, et le corps, suivi du peuple des fidèles, fut introduit près du sanctuaire. Honorius occupait un siège élevé, en face du cercueil placé sur une estrade. Bientôt les saints mystères commencèrent, et l’église implora la paix éternelle pour celui dont la vie n’avait été qu’un combat.

A l’issue des funérailles, le corps, descendu de l’estrade et scellé dans le cercueil, resta en dépôt sous les voûtes de la basilique, en attendant le service religieux qui devait se célébrer plus tard, suivant les usages de la primitive église. L’époque de ce second service différait suivant les lieux : c’était tantôt le septième jour à partir du décès, tantôt le trentième ou le quarantième; l’église de Milan avait adopté le quarantième. Ambroise y présida comme il avait fait au premier, et ce fut lui qui prononça le suprême adieu sur les restes du prince dont il avait été le fidèle et sévère ami. Son oraison funèbre, que le temps a conservée, nous éclaire plus que tout autre document historique sur l’esprit, les croyances, la politique du temps. L’évêque, s’adressant aux soldats, les exhorte à garder une foi inviolable aux enfans de Théodose, et à considérer non leur faiblesse, mais la gloire de leur père, si grand dans les batailles et si digne de l’affection de l’armée. Il explique sa politique par sa foi, ses victoires par la protection manifeste dont Dieu le couvrait ; il loue sa clémence envers les rebelles de la dernière guerre, et le re-